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Le Sizerin flammé ou à tête rouge

Depuis le 15 novembre que je vous entretiens de cet oiseau, le Sizerin flammé ou à tête rouge (Carduelis flammea, Common redpoll), qui passera sans doute l’hiver avec moi. Pourquoi ne pas jeter un œil sur ce qu’en disent les sources anciennes.

 

James MacPherson LeMoine, dans son Ornithologie du Canada, en 1861, écrit :

« Le Sizerin porte plusieurs noms en Canada : les paysans lui en donnent un fort peu euphonyque, à cause de son habitude bien connue de recueillir sur la neige en hiver ce qui tombe des chevaux.

« C’est un oiseau fort gai, fort alerte, fort ressemblant au Sizerin d’Europe et que les plus grands froids ne déconcertent nullement; sans méfiance, il permet qu’on l’approche de très près. Il couve dans le nord du continent, et place dans un petit arbre son nid formé d’herbes sèches, de fragments de laine, le tout garni à l’intérieur de plumes; la ponte est de quatre œufs blancs, parsemés de taches rougeâtres. Les Sizerins et les oiseaux blancs [Le Bruant des neiges, ou p’tit oiseau des neiges] s’assemblent le printemps et l’automne par bandes, se posent près des granges ou sur les endroits où la neige a disparu à la fin de l’hiver, et sont alors capturés en grand nombre : une traînée de graines de foin ou de balle est jetée sur la neige; le garçon de ferme se blottit avec son vieux fusil derrière l’angle de l’écurie, et avec une fort charge de cendrée, il porte la mort dans la troupe qui ne quittera l’appas que pour se percher sur le chaume du toit; puis elle reviendra quelques moments plus tard par milliers à l’endroit même où le carnage vient d’avoir lieu, tant le Sizerin est peu défiant et ami de l’homme, son tyran, son bourreau.

« Les Sizerins se perchent à la cime d’un arbre et font entendre un agréable ramage, bien peu étendu, mais assez semblable au chant du Chardonneret. Au mois d’avril, le Sizerin se met en route pour le nord et reparaît en Canada l’automne suivante.

 

Charles-Eusèbe Dionne, dans Les Oiseaux du Canada (Québec, 1883) dit qu’on lui donne le nom de Petit pissous.

« Ce gentil petit oiseau, qui a aussi son ramage, est d’un naturel gai, alerte et peu farouche; il se laisse facilement approcher; si on le force de s’envoler, il revient presque aussitôt à l’endroit qu’il a quitté.

 

Toujours Charles-Eusèbe Dionne, cette fois-ci dans son traité d’ornithologie, Les Oiseaux de la province de Québec (1906), qui écrit :

« Il se montre commun à Québec et se voit par petites bandes à l’automne et au printemps; il est également commun dans un bon nombre de paroisses des alentours de la ville et sur la rive sud du fleuve aux mêmes époques. J’ai vu autrefois  en quantité ce petit oiseau à St-Denis; il faisait son apparition à l’automne et disparaissait en hiver, pour se montrer de nouveau de fort bonne heure au printemps, alors que la neige recouvrait encore presqu’entièrement le sol, faisant quelquefois société avec les oiseaux blancs; en avril, il nous quittait pour aller faire sa ponte au nord. » Mais, ici, Dionne ne parle plus de son nom populaire de Petit pissous.

 

L’ornithologue P. A. Taverner, dans son ouvrage Les Oiseaux de l’Est du Canada (Ottawa, ministère des Mines, 1920), dit à son sujet qu’il arrive par immenses bandes qui se nourrissent des bouts de mauvaises herbes qui émergent de la neige.

« De cette foule s’élève un gazouillement continu sortant de ces petits gosiers, non pas qu’un seul de ces oiseaux produise un chant, au sens propre du mot, mais tous ensemble ils font une musique en sourdine qui est certainement agréable à entendre. […] Ces petits êtres sont apprivoisés et sans méfiance; si celui qui les observe se fait discret, ils pourront d’aventure se poser autour de lui, même sur lui, avec autant de sans-gêne que s’il était une bûche ou quelque partie inanimée du paysage. Ils demeurent dans la contrée jusqu’à l’heure printanière du départ. […] Comme ils arrivent en grand nombre, qu’ils cherchent avidement les bouts des mauvaises herbes qui percent la neige, les sizerins doivent être accueillis avec joie par les cultivateurs, non seulement à cause de leurs gentilles manières mais surtout pour le bien qu’ils font en détruisant les semences d’ivraie. Il est impossible de parcourir le terrain où ces oiseaux ont pâturé et de l’examiner de près sans être frappé de la quantité de travail qu’ils y ont fait. »

 

Claude Melançon, lui, dans son livre Charmants voisins [1940], a bien du mal à cacher qu’il aime beaucoup le Sizerin flammé lorsqu’il évoque son arrivée dans nos parages, l’automne venu.

« C’est le moment où le Sizerin révèle sa nature confiante. Comme le plupart des bêtes dites sauvages, il ne fuit pas l’homme, parce que, vivant loin de cet épouvantail une grande partie de l’année, il n’a pas appris à le craindre. Là-haut, près du cercle arctique, seul le tonnerre effraie les oiseaux et comme les anciens Gaulois, les Sizerins ne craignent qu’une chose, c’est que le ciel leur tombe sur la tête. C’est pourquoi nous les voyons se poser aux pieds de la fermière qui nourrit ses poules et partager quelquefois le pain du bûcheron. Et si celui-ci est une âme simple, en communion avec la nature, s’il ne fait aucun mouvement brusque, les petits vagabonds s’enhardissent jusqu’à la prendre pour perchoir. Ils s’installent sur son chapeau, ses genoux, ses mains, et le réchauffent de leur gazouillis. «Dieu a fait le froid, écrit [Henry David] Thoreau, mais il a fait aussi le Sizerin aux tons chauds.» Il aurait pu ajouter : et la confiance réconfortante. Nous nous sentons déjà un peu meilleurs du fait qu’un tout petit oiseau nous croit bons…

Réjouissez-vous si, soudain, vous voyez apparaître chez vous, en bandes, le Sizerin flammé. Il vous arrive un cadeau.

Par ailleurs, l’image de droite, ici bas, montre que Sizerins flammés et Bruants des neiges font bon ménage.

11 commentaires Publier un commentaire
  1. Le bonheur de mes journées!

    5 février 2013
  2. Vous avez de la chance d’en voir autant. Hier, au Jardin botanique de Montréal, nous en avons observé quelques-uns aux mangeoires et pris quelques photos. J’aimerai me procurer des mangeoires comme les vôtres, si toutefois, il vous plaît de me répondre.
    Pascale
    Il y avait aussi des roselins pourprés. Je suis une passionnée d’oiseaux.

    1 mars 2013
  3. Jean Provencher #

    Chère Vous, vous trouverez facilement des silos pour le chardon là où on vend des graines d’oiseaux. Chanceuse êtes-vous d’avoir des roselins pourprés. De mon côté, je les espère pour l’été avec les chardonnerets jaunes. À la mi-novembre, mes sizerins, qui sont bien une centaine, avaient délogé mes chardonnerets. Et si je me fie aux années passées, ce sont les chardonnerets qui, à leur tour, en avril, délogeront les sizerins.

    1 mars 2013

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