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Gare aux locutions vicieuses !

Sous le titre Épurons notre langue, l’Album universel, du 18 juillet et du 1er août 1903, nous invite à mieux parler français.

BITER. — Anglicisme qui s’emploie à tort dans le sens de SURPASSER. Au lieu de dire : Dans les beaux-arts, les Français BITENT les Anglais, dites plutôt : Dans les beaux-arts, les Français SURPASSENT les Anglais.

BLACK-BALL. — C’est par ce mot anglais que maintes familles canadiennes désignent le CIRAGE À CHAUSSURES. Laissons donc aux Anglais l’emploi du BLACK-BALL, pour ne faire usage que de CIRAGE. Ne pas dire : Le BLACK-BALL renouvelle les chaussures. Il faut dire : Le CIRAGE renouvelle les chaussures.

BLACK-EYE. — Voilà le mot anglais à la mode après les bagarres. Il faudrait pourtant lui substituer l’expression française ŒIL AU BEURRE NOIR. Ne dites donc pas : Un coup de poing de tel homme vaut un BLACK-EYE. Dites, par exemple : Un coup de poing de tel homme vaut un ŒIL AU BEURRE NOIR.

BLOC. — N’est pas français dans le sens de «pâté» de maisons. Au lieu de dire : Je suis le propriétaire d’un BLOC de maisons, dites plutôt : Je suis le propriétaire d’un «pâté» de maisons.

BOISURE. — Ne peut remplacer à bon droit le mot BOISERIE, menuiserie dont on revêt les murs d’un appartement. Au lieu de dire : La BOISURE de ma maison est en chêne, dites : La BOISERIE de ma maison est en chêne.

BOLTER. — S’emploie à tort dans le sens de PRENDRE LA FUITE, car ce mot n’est pas français. Ne dites donc pas : Votre chien m’a fait BOLTER, mais dites, par exemple : Votre chien m’a fait PRENDRE LA FUITE »

BOMMER, BOMMEUR. — (De l’anglais TO BUMM et BUMMER). Ces termes d’origine anglaise s’emploient à tort pour FAIRE LA NOCE et NOCEUR. Au lieu de dire : Voilà un vil BOMMEUR, vous pouvez dire : Voilà un vil NOCEUR.

BOSS. — S’emploie à tort pour MAÎTRE. Ne dites pas : Voici le BOSS de l’administration civique. Dites plutôt : Voici le MAÎTRE de l’administration civique.

BOSSER. — Ce mot n’est pas français dans le sens de BOSSUER, BOSSELER. Au lieu de dire : Ces chaudières sont «bossées», dites, par exemple : Ces chaudières sont «bossuées».

BOUCANE. — Ne saurait remplacer à bon droit le mot français «fumée». Ne pas dire : La BOUCANE des manufactures est malsaine. Il faudrait dire : La «fumée» des manufactures est malsaine.

BOUETTE. — On n’a aucune raison sérieuse pour substituer ce mot au terme français BOUE. Ne dites donc pas : Les gamins se plaisent à jouer dans la BOUETTE. Vous pouvez dire : Les gamins se plaisent à jouer dans la BOUE.

BOUGRANT. — Que de fois n’avez-vous pas entendu ce qualificatif sur les lèvres de personnes irritées ? Ainsi, l’on dit : Ma montre a été volée, n’est-ce pas bougrant ? Il faudrait dire, par exemple : ma montre a été volée, n’est pas CHOQUANT ?

BOUGREMENT. — N’est pas français. Ce mot ne peut donc être substitué aux adverbes «Extrêmement», «excessivement», etc. Au lieu de dire : La vie des campagnards est BOUGREMENT inactive, vous pouvez dire, par exemple : La vie des campagnards est FORT inactive.

 

À lire ces locutions et les autres que nous avions évoquées les 2 et 3 juin derniers, on constate que certaines expressions sont complètement disparues depuis 100 ans et nous avons besoin aujourd’hui qu’on nous explique ce qu’elles signifiaient, alors que d’autres semblent vraiment là à demeure, toujours aussi vivantes. Le boss, la boucane, la bouette, par exemple.

Étonnante l’évolution d’une langue comme le français québécois dans une mer anglophone nord-américaine. Faite de mots français très anciens apportés d’Europe voilà 400 ans, de véritables créations venues de la vie avec les Amérindiens, et des conditions naturelles de ce nouveau pays qui n’était pas la France, d’adaptations locales de mots français ou anglais, de purs anglicismes, etc. Et tout ce bagage, mélange d’apports, d’emprunts et de véritables inventions, filant son train à travers les ans. En venant à former vraiment le français québécois. Et les linguistes, eux, qui, depuis plus de 100 ans, tentent de nous donner ce qu’ils disent être la note juste. Qui nous offrira un jour sous toutes ses couleurs la grande histoire du français québécois ?

L’illustration est la couverture d’un cahier d’exercices de première année publié à Montréal en 1960 par les Éditions du Centre de psychologie et de pédagogie.

3 commentaires Publier un commentaire
  1. Françoise Bourgault #

    J’aime beaucoup les boisures d’une maison. Ce mot me semble contenir beaucoup plus de pièces de bois que le mot boiserie se résumant, dans ma tête, au contour des portes et fenêtres.

    Les mots se terminant en « ure » portent en eux une image spéciale, un brin d’impertinence! C’est le cas de la parlure, des créatures et pourquoi pas de l’écriture…

    Qu’elles vivent longtemps ces belles expressions, glanures d’une époque où on prenait le temps de se parler par dessus la clôture.

    À la revoyure,

    6 août 2012
  2. Jean Provencher #

    Merci, chère Françoise, merci beaucoup. Ah oui, à la revoyure dans votre beau coin de pays.

    6 août 2012

Trackbacks & Pingbacks

  1. Dans la chronique «Épurons notre langue» | Les Quatre Saisons

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