Épiphanie
Épiphanie, quel beau mot de la langue française! C’est cette étoile brillante qu’aperçurent les Mages qui valut à ce jour le nom d’Épiphanie. Mais, élargissant le mot, c’est toute apparition soudaine, le plus souvent, à mon sens, heureuse. L’enfant qui naît est une épiphanie. La luciole qui éclaire la nuit est épiphanie. Un oiseau si longtemps absent qui s’amène. Une amie chère qui surgit au coin d’une rue. Le sourire soudain sur un visage si triste. Etc. Tant d’épiphanies !
Mais revenons aux Rois, puisque ce jour leur appartient. Saviez-vous qu’on sait peu de choses sur eux ? Seul Mathieu en parle dans son évangile et encore ne donne-t-il pas leur nombre. Michel Tournier, dans son ouvrage Gaspard, Melchior et Balthazar (Gallimard, 1980, p. 277), écrit Le chiffre trois est généralement déduit des trois présents mentionnés : l’or, l’encens et la myrrhe. Tout le reste relève des textes apocryphes et de la légende, y compris les noms de Gaspard, Melchior et Balthazar.
La tradition de fêter les Rois [on dit faire les Rois], qui remonte à l’époque des Juifs, des Grecs et des Romains [ils élisaient, ce jour-là, un roi du festin pour tourner le pouvoir en dérision], est importée de France dans la vallée du Saint-Laurent. Le 6 janvier, comme le pape Jules II l’avait ordonné en 1512, les paroissiens se présentent à la messe, mais se retrouvent par la suite à la maison pour le repas des Rois. Si, en France, on élit roi, fût-elle femme, la personne qui trouve la fève du gâteau des Rois, au Québec, on ajoutera un pois à la fève. Pourquoi ne pas avoir deux rois, ou un roi et une reine ?
Et jamais plus la coutume ne se perdra. À Québec, le journal Le Soleil écrit le 7 janvier 1907 : Il est un usage qui veut que le soir du jour des Rois, il y ait dans chaque famille une veillée, au cours de laquelle on « tire », comme on dit, le gâteau des Rois, dans lequel on a eu soin de placer un pois et une fève. Celui et celle qui ont le pois et la fève sont les héros de la soirée et sont nommés « roi » et « reine » et sont obligés, si possibilité il y a, de donner en retour une veillée à laquelle tous les assistants sont invités à participer.
Il en va de même partout. À Lévis, par exemple, le Quotidien de l’endroit du 7 janvier 1895 constate : Le soir, selon l’usage antique et solennel, on a fait le partage du fameux gâteau dans les familles. Les majestés d’un jour ont eu hier une courte illusion de la royauté, Une cour de fidèles et loyaux sujets leur ont présenté foi et hommage et l’on a bu joyeusement à leur santé et à leur bonheur.
Depuis une quarantaine d’années, avec tous les changements sociaux connus, on ne fait plus guère les Rois. La fête bat de l’aile. Il faut visiter son artisan-boulanger pour trouver trace de cette fête. Le mien, avenue Cartier, à Québec, ce cher Frank, originaire de Montpellier, dans le sud de la France, fabrique toujours, non pas des gâteaux, mais des couronnes et des galettes des Rois à crème d’amande (frangipane), dans lesquelles il prend soin de glisser un petit santon de porcelaine, qui joue le rôle de la fève.
Voici la galette qu’il prépare et des exemples de santons cachés dans ses galettes et ses couronnes.
La gravure ci-haut, Le Repas des Rois, est du dessinateur et illustrateur Edmond-Joseph Massicotte (1875-1929). On peut lire sa biographie, un travail de l’historien David Karel, à l’adresse suivante : http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=8271
Félicitations pour votre prix Gérard-Morrisset, mon intérêt pour l’histoire a beaucoup été nourri par vos livres (Quatre saisons 1996, L’histoire du Vieux-Québec…) et votre travail. Ce matin je lisais la revue Cap-Diamant, j’ai vu la « nouvelle » vous concernant, on y mentionnait votre blogue, j’y suis allé et je me suis perdu d’épouvantail en épiphanie en babillard, ce n’est pas le blogue qui est important, c’est de vous retrouver et de naviguer avec vous sur les petites « quotidiennetés » de nous tous passés et présents. Je ne finis pas de m’en goinfrer et c’est pas engraissant… merci d’être là.
Merci beaucoup, cher Monsieur Loranger.