Le Saguenay dangereux
Après un naufrage sur la rivière Saguenay, le journal La Patrie sent le besoin de faire écho, le 4 septembre 1903, à ce que demande un confrère de Chicoutimi.
Parlant du naufrage du Carolina, la Défense de Chicoutimi signale les dangers auxquels la navigation est exposée dans le Saguenay et demande d’améliorer cette profonde et pittoresque rivière.
Le confrère s’exprime ainsi :
Le Carolina est encore sur son rocher, on n’a pu encore le descendre de sa dangereuse position. On espère pouvoir le sauver s’il ne se casse pas au milieu, d’ici à quelques jours.
La navigation dans le Saguenay en temps de brouillard est très difficile et des plus dangereuses; la rivière Saguenay n’est pas très large et il faut que peu s’égarer pour aller donner contre des rochers.
Le pilote n’a à peu près rien pour se diriger et se reconnaître en temps de brume, aucun phare, aucun criard, aucune bouée d’alarme, il doit se guider par les caps qui bornent la rivière.
En temps de brouillard, il arrive souvent qu’il ne voit que la tête des caps et il a ainsi l’illusion qu’il est beaucoup plus éloigné du rivage qu’il ne l’est réellement. Quelquefois, la brume séjourne plusieurs jours dans certains endroits du Saguenay, dans les baies, et les anses, au pied des hauts caps, où le vent la chasse difficilement.
Il se fait assez de navigation importante dans le Saguenay pour que l’accident arrivé la semaine dernière décide le gouvernement à améliorer la navigation de cette route fluviale qui sert de débouché à toute une région. L’accident arrivé au Carolina aurait pu facilement se changer en sinistre épouvantable si par exemple le bateau au lieu de rester accroché au récif était revenu à l’eau, ou encore s’il avait versé au bout de l’écueil; dans ces deux cas, le bateau sombrait sans merci au fond du Saguenay qui, à cet endroit, est profond comme un abîme.
Il serait temps pour notre gouvernement d’étudier les passages dangereux et d’y placer des phares; autrement on peut s’attendre à voir se renouveler des accidents comme il en est arrivé la semaine dernière, mais peut-être avec des suites bien plus pénibles.