Plaidoyer pour la Corneille
Toujours intensément chassée et identifiée à un oiseau de malheur, la Corneille est mal aimée. Le prophète Mahomet l’a maudite. Le poète romain Virgile l’associa aux mauvais présages. Aux États-Unis, sa tête fut mise à prix, comme celle du loup et du puma. Et l’homme l’adjoignit à la sorcière des histoires pour enfants. Mais jamais l’espèce ne s’en trouva menacée. La Corneille (Corvus brachyrhynchos, American crow) est faite forte.
Les naturalistes la classent parmi les plus intelligents des oiseaux. Elle fait partie de la famille des Corvidés, qui disposent d’un cerveau relativement gros, d’une mémoire impressionnante. Elle peut manipuler des objets au point de les utiliser comme outils, répéter des manœuvres, provoquer des animaux parfois plus grands. On lui connaît une vingtaine de cris, associés chacun à une fonction particulière, et elle sait apprendre le cri de d’autres espèces. Dans l’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec, on dit qu’elle est même capable de reproduire certains mots.
Reconnue pour s’adapter à une grande variété d’habitats, elle cherche habituellement sa nourriture dans des endroits à découvert, les pelouses, les champs cultivés, les dépotoirs lorsqu’il s’en trouve, et les bords de route, mais niche et se repose dans les grands arbres, dans les hauteurs, jamais à la portée des hommes. Elle sait bien qui nous sommes.
Capturé au nid, le petit de la Corneille se domestique facilement. Il devient, dit-on, amusant et espiègle, enclin à dérober les moindres petits objets qui lui tombent sous le bec. Une Corneille domestiquée peut demeurer avec soi. On peut lui apprendre certains comportements, comme de tirer une petite voiture-jouet pour enfant. Un ami libraire se souvient d’avoir vu son grand-père faisant ce qu’il voulait avec sa corneille, se rendant même avec elle au village, à l’occasion, pour faire ses courses.
Quinze entités géographiques québécoises portent son nom. Depuis une quarantaine d’années, l’oiseau semble en légère augmentation dans l’ensemble du continent. Au Québec, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, adoptée en 1990, protège la Corneille entre le 1er mai et le 30 juin. Auparavant, à tout moment, on pouvait la tirer à la carabine, même en temps de nidification.
Et puis, sait-on qu’elle gobe un grand nombre d’insectes et nous débarrasse d’une foule de déchets ? Des naturalistes nous disent qu’il faut se rendre compte à la fin des services qu’elle nous rend, qu’elle est, par exemple, un véritable agent de contrôle lors de certaines infestations d’insectes.
Gloire à la Corneille !
Voir aussi : https://jeanprovencher.com/2012/03/04/enfin-la-corneille/
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Je découvre avec grand plaisir votre blogue, grâce à Paul Trépanier du blogue Bicycle Falardeau http://bicyclesfalardeau.blogspot.com/2011/06/ca-se-passe-plutot-bien.html Remarquez que vélo et nature vont tellement bien ensemble :-)
Merci à vous, cher Michel. Vous avez bien raison et je rajouterais, complice avec vous de notre radio communautaire, CKRL, le 89, 1, vélo, nature et CKRL vont tellement bien ensemble. J’ai connu ce cher Paul, justement à CKRL, il y a bien 25 ans, diable de diable.
Et bravo pour cette initiative de suivre les blogues de Québec et de sa région avec La Capitale Blogue !
Merci de votre bon mot que j’apprécie beaucoup. Je suis content aussi de voir que vous êtes associé à l’histoire de CKRL, la première radio que j’écoutais à longueur de journée lors de mon arrivée à Québec en 1976.
La Semaine verte a diffusé un reportage sur les corneilles en 2002. On y parlait des dortoirs de corneilles. L’oiseau a en effet l’habitude, en hiver, de se rassembler par milliers d’individus dans de petits boisés pour passer la nuit. On a vraiment l’impression d’un vaste dortoir. Ça croasse là dedans! On devine que les corneilles s’assemblent par familles parce qu’il paraît que les jeunes d’une année continuent à fréquenter leurs parents et les nouveaux rejetons l’année suivante. Puis, au matin, les oiseaux repartent en colonnes vers leurs dépotoirs et autres sites d’alimentation respectifs. Vraiment impressionnant. J’ai essayé, mais sans succès, de le visionner à http://www.radio-canada.ca/actualite/semaineverte/020113/corneilles.html
Parlant d’oiseaux, avez-vous déjà croisé un moqueur polyglotte? Moi ça m’est arrivé pour la première fois hier et j’ai été vraiment impressionné! Quel cabotin!
Merci, cher Victor. Il faut que je file à Lévis. Nous allons échanger en début d’après-midi, à la Maison des scouts, rue Déziel, sur L’été à Lévis en 1900. J’entrevois déjà le bonheur de cette rencontre. Je vous reviens.
Après le 17 mars (fête de Saint-Joseph) ma belle-mère disait que le vent revirerait de bord pour lever la neige du sol en poudrerie, alors c’était la tempête des corneilles, soit vers le 18 mars. on parlait de la dernière tempête de neige de la saison.
Aujourd’hui, la corneille semble demeurer avec nous en hiver, elles sont souvent plus âgées et migrent moins.
Par expérience, je vois souvent en hiver au fil de l’eau, un cortège d’une centaine de corneilles qui reviennent à tous les jours de L’Île d’Orléans (Sainte-Pétronille) vers la fin du jour, soit vers 15:30.
Elles dorment dans de grands saules, à l’Est du chantier maritime Mil Davie (Anse aux sauvages).
Merci Jean pour la belle conférence sur l’Été à Lévis.
Merci, Laurent. Cette rencontre, encore une fois, fut un grand bonheur pour moi. Je te salue, cher observateur de corneilles. J’aime savoir qu’à la fin du jour, l’hiver, ces vieilles corneilles se retrouvent chez vous pour dormir. Nul doute qu’elles s’y sentent là en sécurité. Les corneilles ont la mémoire bien longue et s’empressent de délaisser les lieux qui seraient pour elles un danger.
Cher Victor, me revoici fort heureux de cette rencontre à Lévis. Moi aussi, je viens de tenter à mon tour de visionner ce reportage de ce cher Aubert Tremblay sur la corneille, diffusé à La Semaine Verte, à la télé de Radio-Canada, en 2002. Mais, bien malheureusement, même s’il nous est annoncé ici, manifestement quelqu’un quelque part a jugé bon que la corneille était sans importance, n’avait pas à être gardée en archives. Elle sait d’ailleurs, cette chère corneille, que nous n’avons aucune considération pour elle. Il va nous falloir nous lever de bonne heure pour la convaincre du contraire. Mais je ne crains pour elle, elle est tenace. Je l’aime.
Au sujet du moqueur polyglotte, sachez que je me suis fait faire le coup à quelques reprises. «Mais qui chante donc, avec une telle variété, avec une voix si claire, au fond du verger?» Et, à chaque fois, j’étais obligé de me rallier. C’était bien lui, ce diable, à la vêture discrète, d’un gris cendré, qui y allait de tous mes chants d’oiseaux.
Permettez, même si ce témoignage peut vous apparaître long, que je vous cite C.E. Dionne à son sujet, Les Oiseaux de la Province de Québec (Québec, Dussault et Proulx, 1906). Ça vaut la peine.
L’Oiseau-Moqueur est un chantre remarquable; il possède une voix pleine, forte et hautement musicale, capable d’exécuter les modulations les plus variées. Il jouit en outre à un degré supérieur de la faculté d’imiter le chant des autres oiseaux. Voici ce qu’en dit Audubon:
« Ce n’est pas les doux sons de la flûte ni les hautbois que j’entends, mais bien des notes plus mélodieuses; la musique de la Nature elle-même. La suavité de son chant, la gradation des modulations, le brillant de l’exécution et l’étendue de sa voix, sont incomparables. Il n’y a proprement aucun oiseau dans l’Univers qui possède toutes les qualités musicales de ce roi du chant, et il n’y en a pas dans le monde qui puisse rivaliser avec lui. »
Lisant ces mots du grand Jean-Jacques, nous nous rangeons.
Si la robe du soir noire d’une jolie femme est synonyme d’élégance, que dire de celle de la corneille ?
J’aime les corneilles, comme on aime ce qui nous ressemble. Souvent bruyantes, on ne retient agacé que leurs criaillements aux petites heures du matin, pourtant j’entends leur silence.
C’est l’hiver au Parc des Braves, quelques vieux passent le temps comme ils peuvent en se laissant vivre sous le soleil froid de l’hiver, les corneilles la tête sous l’aile sont belles et silencieuses.
Les corneilles accompagnent les sorcières dites-vous Jean. Les sorcières sont celles que l’on brûle, celles différentes, tout simplement. Les corneilles sont celles que l’on chasse, comme les sorcières.
Dans ma fenêtre, tout juste derrière cet écran, je vois les grands arbres et les corneilles. Il y a eu beaucoup de synchronicité entres elles et moi depuis quelques années. En bonne sorcière que je suis, je les laisse souvent me montrer le chemin….
Jeanne
Merci beaucoup, chère Jeanne, pour ce texte magnifique sur notre chère corneille.
Depuis quelques jours j’ai la visite d’une jeune corneille, qui atterrit devant moi après m’avoir frôlé de l’aile pour me dire « bonjour » : Sans aucune gêne elle vient participer à mes travaux de jardins.
Elle passe ainsi entre mes pieds et mes mains, tente de me piquer mes outils (même les gros), et quand j’arrache les mauvaises herbes et des cailloux elle fait de même. Si je m’arrête, elle me regarde d’un oeil interrogateur, l’air de dire « on joue à quoi maintenant ? » ; puis quand je m’escrime sur une grosse touffe, elle m’aide en tirant aussi de toutes ses forces (elle a un patte tordue et retournée, quasi inutilisable), et joue aussi comme un jeune chien en tirant la touffe que je tiens en main. S’il reste une racine à moitié enterrée, elle la tire à elle et la rejette. Puis débusque de petits cailloux qui m’ont échappé. Quand j’ai fini, elle me picore les chaussures et les lacets. Elle n’a aucune peur de mes gestes brusques du moment qu’ils ne sont pas à son encontre ; sinon elle grogne un peu (?).
Hier elle bricolait sous un arbuste, la maline m’a ramené (!) un bout de plastique que j’avais perdu il y a des années, venant d’un vieux cutter. Un vrai toutou … Elle a même tenté de m’aider à changer mes essuie-glace de voiture et réparer mon tuyau d’arrosage !
Elle rechigne simplement au contact direct (sauf le bec, car elle mordille légèrement pour signaler son impatience), et je respecte cette attitude. Quand elle se rend compte que je suis trop occupé pour « jouer » avec elle, elle va se poser sur une cheminée proche pour une petite toilette.
Son crâne à moitié rasé laisse penser, avec sa patte folle, qu’un grave accident l’a obligé à trouver sa survie parmi les hommes. J’espère qu’elle trouvera sa subsistance toute seule (car je la sais nourrie par quelqu’un du quartier), et que personne ne cherchera à lui nuire, car son innocence et son intelligence sont très touchantes.
J’ai saisi aussi un moment d’habileté dont j’ai trouvé l’explication sur une revue scientifique du net : Après m’avoir pris un petit morceau de pain de mon goûter, elle l’a littérallement enterré sous une petite touffe d’herbe habilement replacée devant moi, puis fait tout un ramdam sur une autre touffe plus loin : Elle a ainsi fait croire à d’éventuels jaloux que son butin était dans ce dernier lieu. Retrouvera-t-elle son trésor ?
Je n’aime pas particulièrement ces animaux en groupe, ils reflètent notre manque d’hygiène et nos gaspillages, mais à titre individuel ils sont vraiment charmants !
Merci, merci beaucoup, cher Monsieur Alain, pour ce si beau témoignage ! Vous avez vu, j’en ai fait franchement tout un billet en date d’aujourd’hui : https://jeanprovencher.com/2015/08/17/fort-beau-temoignage-sur-lintelligence-de-la-corneille/
Merci encore !