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Fichu vent !

Nous sommes à Montréal. Le 24 avril quand même. En 1902. Voilà que le journaliste de La Patrie s’en prend au vent, insupportable.

Tout le monde peste contre lui. La poussière nous aveugle et ça manque d’arrosoirs. Faux chignons, chapeaux de plumes, accroche-cœurs et tire-bouchons, tout ça volait au vent aujourd’hui, alors que les petites dames n’avaient pas trop de leurs deux mains pour tenir leurs jupes. La poussière, en nuées opaques, nous remplissait le nez, la gorge et les yeux et nous a fait jurer contre le département des chemins qui réserve ses arrosoirs municipaux pour le prochain déluge. La neige s’est mise de la partie vers une heure cet après-midi, mais cela n’a pas duré.

C’est un printemps fantasque que nous avons depuis hier, un printemps mal élevé qui décoiffe les têtes même les plus respectables, sans s’excuser de n’avoir pas encore passé son habit vert. Une telle manière de se conduire pour un monsieur que chantent les poètes sur tous les tons n’est sûrement pas académique et M. Le Printemps déroge à la manière d’être qu’on lui connaît.

Les météorologues se mettent de la partie et nous annoncent que l’hiver va recommencer, que les frileux s’emmitoufleront encore et vous verrez qu’avant la fin de la journée, quelques messieurs bien mis ou quelques élégantes auront reçu sur la nuque quelque brave gouttière ou une non moins charitable enseigne, voire même quelque vétéran poteau de télégraphe. Si les têtes ne cassent pas sous le choc, c’est qu’elles seront solides comme des têtes de financiers, mais n’empêche que la chose n’est pas agréable et que messieurs les météorologues devraient bien retenir un peu le vent qu’ils nous déchaînent comme pour se moquer des pauvres bourgeois. Ce vent-là doit filer un tas de milles à l’heure.

Il n’y a pas qu’à Montréal qu’il a venté. La Patrie du 26 avril 1902 dit qu’à Papineauville, «le violent vent du sud-ouest qui a fait rage hier et aujourd’hui a causé beaucoup de dégâts ici et dans les paroisses environnantes. À Monte Bello, il a mis en pièces le yacht de MM. Owens et Frères, marchands, et endommagé le bateau traversier (Horse-boat) qui fait le service entre ce village et St-Thomas d’Alfred».

 

L’image provient de l’ouvrage des Sœurs de Sainte-Croix, Cours pratique de dessin d’observation aux maîtres de l’école primaire canadienne, Saint-Laurent, 1928.

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