Nous sommes là, nous aussi !
Je feuillette les pages des journaux québécois de 1900 depuis un certain nombre d’années. À vrai dire, un peu plus de 8 ans. J’évite de vous entretenir des rois, des empereurs et des personnages politiques en général. Je ne vous parle guère de guerres, nombreuses, de suicides, tout autant, de crimes, et quoi encore. Bien sûr, je ne peux éviter la mort des enfants en bas âge, elle est quotidienne, dirait-on. La misère est bien présente elle aussi, la plupart du temps dans les villes.
Mais quand même, je m’attache aux manifestations de vie d’abord. Et j’aime particulièrement m’arrêter aux communautés qui bossent, dans les villes comme dans les campagnes. De même qu’aux manières de décrire ce qu’elles vivent.
Et quel bonheur d’en entendre soudain une qui monte le drapeau en haut du mât et crie « Hé, ne nous oubliez pas, nous faisons, nous aussi, partie du monde ! La Terre, c’est aussi chez nous ! »
J’aime tant, par exemple, ce cri, bien peu bavard cependant, de Saint-Moïse, attrapé dans Le Progrès du golfe, de Rimouski, édition du 22 septembre 1905.
Le répertoire Noms et lieux du Québec, de la Commission de toponymie (Publications du Québec, 1994) dit que Saint-Moïse, dans la vallée de la Matapédia, « a été bâtie sur les hauteurs qui séparent le versant du Saint-Laurent de celui de la baie des Chaleurs, à 40 km au nord-ouest d’Amqui, entre Saint-Noël, au nord, et La Rédemption, au sud. »
Le court texte de l’hebdomadaire de Rimouski s’intitule simplement St-Moise Station [sic].
Notre village est aujourd’hui très florissant. Il n’y a que quelques années on ne comptait à cet endroit que trois maisons; aujourd’hui nous en comptons plus de 100, résidences privées, magasins, moulins, etc. L’augmentation extraordinaire de cette localité est due à l’établissement F. R. Morneault et frères. Ces Messieurs ont bâti de grands moulins il y a six ans à peu près et, depuis cette date, grâce à leur probité, à leur esprit d’entreprise, ont transigé des affaires considérables.
Cette année, ils vont scier 100,000 billots de cèdre et d’épinette, cèdre principalement. Ce cèdre est mis en bardeau et expédié par l’I. C. R. [Intercolonial Railway], etc., dans les centres des E. U. Les MM. Morneault emploient à leurs moulins de 60 à 70 hommes et les opérations se poursuivent le jour et la nuit.
La gare que l’I. C. R. vient de faire construire ici est maintenant terminée et a été livrée le 30 août dernier. Cette bâtisse faite par l’entrepreneur Zénon Ouellet, du Bic, est un ornement pour notre village. L’ancienne bâtisse va être transformée en résidence pour l’agent.
Et on rajoute trois courts paragraphes.
M. A. D. Pageot, de la société Pageot et Dussault, entrepreneurs de Québec, est ici depuis quelques jours. Il est venu acheter du bois de MM. Morneault pour la construction d’un quai que la dite société est actuellement à bâtir à Portneuf en haut de Québec.
Le public voyageur peut maintenant s’installer bien confortablement à la maison de pension privée tenue par M. Macaire Morin située à 5 minutes de marche de la station de l’I. C. R.
Notre école modèle sera terminée sous peu, elle coûtera dans les $2,000 et sera une magnifique bâtisse, où les enfants pourront étudier bien à leur aise. Cette école est maintenant sous la direction des demoiselles Saucier.
Salutations, bonnes gens de Saint-Moise ! On vous entend à l’autre bout.
La photographie aérienne de Saint-Moïse provient du site internet de la municipalité. On trouve aussi une page Wikipédia sur Saint-Moïse.
La localité de Saint-Moïse Station est devenue la municipalité de Saint-Noël vers 1945, issue d’un démembrement des municipalités limitrophes de Saint-Damase et de Saint-Moïse. Elle portait le nom de Saint-Moïse « Station » parce que c’est autour de la gare de chemin de fer qu’elle s’est développée. On pouvait ainsi la distinguer de Saint-Moïse « Village », situé quelques kilomètres plus au sud, sur la route 132 actuelle.
La photographie accompagnant cet article présente Saint-Moïse Village et non Saint-Moïse Station (Saint-Noël) où passent de moins en moins de convois sur le chemin de fer.
Ah, merci beaucoup, Monsieur Bouchard, pour ces précisions importantes.