La Fête-Dieu
Vous voulez savoir, chère Blanche, où se trouve cette rue ? Nous sommes rue Champlain, à Québec, au pied de la falaise, tout près du fleuve Saint-Laurent. Une rue de gens de condition modeste.
Vous avez vu comme on a pavoisé ? Balises de sapin en bordure de la route, drapeaux au vent à nombre de fenêtres. Et chacun a mis ses plus beaux habits.
Voilà la procession, Blanche, de ce qu’on appelle la Fête-Dieu, une procession que les catholiques répètent chaque année depuis 1317. La fête survient 60 jours après Pâques et quatre jours après le dimanche de la Trinité. Si cette image pouvait chanter, nous entendrions le Christus Vincit. Au Québec, la convention veut que la Fête-Dieu, aussi appelée fête du Saint-Sacrement, clôt le printemps.
Tenez. Accompagnez cette image du texte lyrique d’une dame qui signe Olga, dans La Patrie du 3 juin 1905. Vous comprendrez tout.
Dès que les premiers voiles de la nuit déclinante se sont déchirés, la fête du roi des rois d’ici-bas et de là-haut a été proclamée dans un long cri d’allégresse, et longtemps l’atmosphère en a été ébranlée.
Plus tard, lorsque le soleil s’approche davantage, les maisons s’ornent de flots de fleurs, de feuillages et de soie.
Des pétales de différentes couleurs sont détachées [sic] de leur calice par de petites mains, et viennent répandre leur délicat parfum de fleurs agonisantes sur le long ruban blanc que forme la grande route.
À l’heure où les rayons de l’astre brillant deviennent chauds, mettant de toutes parts scintillement et vie, les cloches font vibrer l’air et les cœurs.
Alors les toutes jeunes filles, charmantes dans leur simple toilette de communiantes, s’avancent sur le chemin. Les petits garçons suivent, dignes et fiers de porter au bras l’emblème de l’Eucharistie. Ensuite, viennent les personnes plus ou moins avancées dans la vie, tenant à la main le chapelet aux grains de bois noirs, disant parfois le long usage qu’en ont fait des doigts fuselés. Suivent les hommes chantant l’hymne du roi fêté et les yeux étincelants du bonheur de croire.
Plus loin, le Dieu puissant enchâssé et porté dans l’or par les mains de l’archevêque, sur les cheveux duquel chaque hiver a oublié de ses neiges pendant que le service divin a mis de la douceur dans ses yeux.
Des fidèles pâles, sous la souffrance, ou des mères retenues par les jeunes enfants sur le bord de la route, se mettent à genoux, baissent la tête, implorent des grâces nouvelles, et dans leurs cœurs émus, ils sentent une grande joie.
Les cloches chantent toujours; l’air en est tout agité…
Et maintenant, sur le long ruban blanc que forme la grande route, on voit tout rayonner, scintiller, éblouir. Le cœur est dans une si grande paix, que des perles peuvent, parfois, venir aussi briller au bord des paupières.
J’ignore si nous fêtons encore quelque part la Fête-Dieu, chère Blanche. Chose certaine, cette année, en 2012, c’est aujourd’hui même le jour de la Fête-Dieu. Belle journée à vous.
En tant que personne plus avancée que moins en âge, je me souviens que pour la fête Dieu , j’étais habillée en Croisée : une cape blanche ornée d’une croix, attachée par un ruban en satin bleu etcoiffé d’un bérêt blanc. Costume fournit par les religieuses du couvent. La procession se terminait devant une autel dressée devant la devanture de la maison d’un heureux élu . Est-ce à cette fête qu’il y avait les petits casseaux en carton et papiers de couleurs transparentes dans lequel on glissait une chandelle comme dans le film Les Plouffes?
Ah, fallait être «chic & swell», c’est certain, chère Sylvie. Les premiers communiants, filles et garçons, portaient leur costume de premiers communiants, les hommes cravatés, les femmes en belles robes. Nous étions plus encore qu’endimanchés. Les casseaux dont vous parlez, moi, venant de Trois-Rivières, c’est au sanctuaire de Notre-Dame du Cap, au Cap-de-la-Madeleine, qu’ils étaient, il me semble bien, utilisés. Et le casseau protégeait la main de la cire chaude qui coulait et défiait le vent qui pouvait avoir envie de souffler la bougie. Quel temps !