Ah, les mascarades !
Allez, il est grandement temps de parler des mascarades. Sitôt, les Rois venus, le 6 janvier, dans la moindre communauté, on appréciait tellement les patinoires, extérieures comme intérieures. Non pas tant pour jouer au hockey, mais pour les mascarades.
Partout, je retrouve des mascarades. Dans le moindre petit village comme dans les plus grandes villes. Quand se tient une mascarade, parfois deux ou trois dans la semaine, on accourt. Mais il est bien défendu à celui ou celle qui n’est pas costumé d’être sur la glace. Qu’il s’en tienne alors à être spectateur, sur le bord de la bande.
Le 3 février 1900, le journaliste du Soleil, à Québec, est fort heureux d’avoir assisté à ce qu’il appelle «Une brillante mascarade au Quebec Skating Rink ».
Il était réellement joli et agréable à la fois d’assister hier soir à la grande mascarade donnée au Quebec Skating Rink. C’était, comme on sait, le carnaval annuel avec costumes et qui est toujours à Québec l’événement social de la saison. À l’heure fixée plus de 300 patineurs filles et garçons portant de jolis costumes, les uns riches, les autres originaux, s’élancèrent sur le miroir glacé au grand enthousiasme des nombreux spectateurs.
Pendant que les élégants et habiles patineurs et patineuses, devant nous, exécutaient des méandres capricieux sur la glace, l’on pouvait voir défiler des personnages de plusieurs siècles. Ainsi l’on voyait des gentilshommes de la Cour de Louis XIV coudoyant des négresses de la plus belle ébène, pour la forme seulement. Puis il y avait les bouffons dont les costumes originaux, les figures comiques faisaient rire aux larmes. Il y avait aussi jusqu’à un Mephistoteles, on aurait juré que c’était le fameux Morrisson.
On a beaucoup remarqué certains costumes représentant pour ainsi dire le sentiment ultra britannique. De jolies filles portaient le costume d’ambulancière avec la croix rouge. Nous pouvons ajouter que ces bonnes ambulancières étaient aussi nombreuses que les fleurs au mois de mai, mais celles qui portaient l’habit de rigueur du Sud africain, c’est-à-dire le Khaki, recevaient la plus grande attention.
Il faut comprendre que les journaux sont alors pleins de nouvelles provenant de la guerre que mène l’Angleterre contre les pauvres Boers d’Afrique du sud, et que des soldats canadiens et québécois y sont, pour se battre pour l’Angleterre, et, à vrai dire, de grands capitalistes anglais, propriétaires de riches mines de là-bas. Nous y reviendrons. J’ai une bien belle lettre d’un jeune Franco-Américain, Victor Gagné, de Lewiston, Maine, à sa mère, qui est allé se battre avec les Boers. Un son de cloche bien différent de tout le discours que la presse d’alors sert aux populations.
Vous savez, il est arrivé aussi qu’à l’occasion, des personnes se costument comme pour une mascarade, se rendant patiner sur le pont de glace devant Québec. Cette image provient de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection initiale, Patinage sur le Saint-Laurent devant Québec, cote GH971 – 103. Allez, admettez que, vous aussi, vous vous seriez laissé tenter. Moi ? Absolument.