Désastre à Sorel
Avec Québec et Lévis, Sorel est l’un des lieux les plus importants pour l’hivernage des navires. Il n’est pas rare de trouver à cet endroit plus de 200 «bateaux» attendant le retour du printemps. Mais lorsque surviennent les pluies diluviennes et la débâcle que nous évoquions hier, c’est la castastrophe. Les bateaux s’en vont à vau-l’eau. Il faut dire que Sorel se trouve à la rencontre de la rivière Richelieu et du fleuve Saint-Laurent.
Voyons ce qu’écrit La Patrie du lundi 16 décembre 1901 :
Le désastre causé par la débâcle du Richelieu a été d’autant plus terrible que c’est la première fois que pareil malheur arrive dans notre ville.
La pluie des derniers jours avait fait monter l’eau de 4 pieds et la glace était devenue mauvaise dès samedi. Hier soir, vers 6 h. 15, malgré le froid de la journée, la glace du Richelieu se mit en mouvement. En haut du pont de la Cie du South Shore Ry se trouvaient une foule de barges mal amarrées qui partirent en bloc avec une force irrésistible. Elles passèrent sous le pont, se brisant, démolissant et emportant tout sur leur passage ou coulant à fond sur place. Elles touchèrent le Canada en passant, et ce bateau entraîna à son tour les bateaux de la Cie Sincennes et McNaughton. Ce fut alors que le désastre s’accomplit.
Parmi les bateaux coulés, il y a l’Ethel, de la Cie Sincennes, et le Verchères, de M. Dansereau, deux pertes totales. La Cie Sincennes est peut-être la plus éprouvée. Le Hudson est pris entre le Canada et le Saguenay. Presque tous les bateaux de la Cie Sincennes sont endommagés.
La Cie du Richelieu éprouvera des pertes par le Saguenay, le Canada et le Columbian dont on ne peut encore apprécier la situation. Le Berthier et d’autres paraissent pour le moment n’avoir souffert que dans leur partie supérieure.
Le pont de glace s’est refermé solidement la nuit dernière et retient probablement à flot plusieurs bateaux.
Le spectacle est désolant. À l’entrée du Richelieu est le remorqueur Lac St-Pierre, du gouvernement, avec une grue. Tous deux sont endommagés; sept remorqueurs du gouvernement ont été entraînés. Puis on voit un amas de chalands coulés ou éventrés avec des remorqueurs de la Cie Sincennes, des bateaux de la Cie Richelieu, des phares flottants, etc. C’est la flotte du gouvernement qui a le moins souffert, les bateaux ayant été sûrement assujettis.
Il est difficile d’avoir un détail complet des dommages. Des centaines d’hommes sont à l’ouvrage partout et les directeurs des compagnies ne peuvent fixer l’étendue des pertes.
Le lendemain, le journal La Patrie affirme :
Le gonflement de la rivière Richelieu a causé pour plusieurs milliers de dollars — on parle même de $100,000 à $200,000 — de dommages aux vaisseaux des compagnies Sincennes McNaughton et Richelieu, et celle du département des travaux publics, à Ottawa.
Les deux illustrations proviennent du journal La Patrie, édition du 17 décembre 1901, p. 10.