Tel livre de sagesse d’autrefois a-t-il bien traversé le temps ?
Il faut avoir l’honnêteté de se poser la question. Il n’est pas surprenant de constater que certains sont complètement disparus et d’autres n’étaient pas une perte de temps pour qui s’y est attardé.
En 1979, est paru chez Gallimard un livre qui a eu beaucoup d’échos : La Nouvelle Alliance, Métamorphose de la science, d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers. Que vaut-il près de 40 ans plus tard ?
Les auteurs constatent que la science classique avait fait de la nature un automate et qu’aujourd’hui, par de-là notre présence, la nature a reconquis sa puissance d’invention, qu’elle continue d’explorer et d’essayer, nourrissant elle-même l’évolution sans même que nous soyons là.
Nous en étions venus, par exemple, à croire que plus nous progressions dans le microscopique, plus celui-ci était simple et tendait vers l’immobilité, vers la fixation, alors que, même microscopique, il poursuit sa marche, son évolution.
Quasi en fin d’ouvrage, on y lit : « Chaque être complexe est constitué d’une pluralité de temps, branchés les uns sur les autres selon des articulations subtiles et multiples. L’histoire, que ce soit celle d’un être vivant ou d’une société, ne pourra plus jamais être réduite à la simplicité monotone d’un temps unique, que ce temps monnaie une invariance, ou qu’il trace les chemins d’un progrès ou d‘une dégradation. »
« Au moment où nous apprenons le « respect » que la théorie physique nous impose à l’égard de la nature, nous devons apprendre également à respecter les autres approches intellectuelles, que ce soient les approches traditionnelles, des marins et des paysans, ou les approches créées par les autres sciences. Nous devons apprendre non plus à juger la population des savoirs, des pratiques, des cultures produites par les sociétés humaines, mais à les croiser, à établir entre eux des communications inédites qui nous mettent en mesure de faire face aux exigences sans précédent de notre époque. » […]
« C’est un monde que nous pouvons comprendre comme naturel dans le moment même où nous comprenons que nous en faisons partie, mais dont se sont évanouies, du coup, les anciennes certitudes : qu’il s’agisse de musique, de peinture, de littérature ou de mœurs, nul modèle ne peut plus prétendre à la légitimité, aucun n’est plus exclusif. Partout, nous voyons une expérimentation multiple, plus ou moins risquée, éphémère ou réussie. »
« Le temps est venu de nouvelles alliances, depuis toujours nouées, longtemps méconnues, entre l’histoire des hommes, de leurs sociétés, de leurs savoirs et l’aventure exploratrice de la nature. »
Ce livre a fort bien vieilli.
Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, La Nouvelle Alliance, Métamorphose de la science, Paris, Éditions Gallimard nrf, 1979, 305 pages.