Skip to content

Toute sa vie vouée aux serins

Visite d’une sérinophile.

À Paris, après avoir assisté à la rencontre annuelle des éleveurs de canaris, un journaliste se rend chez l’une d’entre eux, Madame Belpalme, «dont tout un coin de l’appartement n’est plus qu’une vaste cage à serins, toute chantante et toute sifflante, emplie d’un ramage assourdissant».

— Assourdissant, dites donc, vous ! Vous n’avez pas lu Buffon ? il ne trouve pas de termes assez élogieux pour célébrer «le musicien de la chambre, amusement de toutes les jeunes personnes, et délice des recluses».

Mais venez donc voir mes serins hollandais, comme ils sont beaux ! Allez-y doucement, par exemple, le moindre bruit les effarouche.»

Nous avons beau y aller doucement. Dès que nous pénétrons dans la chambre des serins, le vacarme cesse comme par enchantement. Et c’est, dans les vingt ou trente cages, étagées les unes sur les autres, une fuite d’ailes, un froufrou rapide, un ébourifement de plumes jaunes ou panachées.

— Et ça vaut combien ?

— Très cher. De 100 à 400 francs et plus. Moi, j’en ai refusée 600.

— Pourquoi si chers ? 

— C’est qu’ils sont beaux, mes serins. Et difficiles à élever. Il faut leur donner à manger un bon mélange d’alpiste, de millet, de colza, de navette, de lin, avec de la mie de pain et des œufs durs écrasés ou râpés dans la pâtée. Ne pas oublier du mouron, du mouron bien grenu, pas du cresson ! A ! ce n’est pas une sinécure !

Au bout de 18 jours, mes serins sortent du nid. Au vingt cinquième jour, ils commencent à manger seuls, mais il faut encore les aider, car ils sont fainéants comme tout.

Notez que, tout le temps que dure l’élevage, on ne peut même pas sortir, aller à la campagne ou à la pêche. Au retour, on les trouverait morts, et ça ne serait pas gai. Mais on a de l’amour propre ! On veut arriver premier avec les plus beaux serins du monde ! C’est une passion ! […]

En 1880, je me suis affiliée à la Société serinophile, qui a pour mission l’élevage des oiseaux, et en particulier des serins. Depuis, tous les ans, je remporte mes quatre médailles, car on ne peut exposer que quatre oiseaux jeunes et panachés, mais de sexe différent. Ah ! si j’avais seulement, un jour, le prix du ministre !

— Tranquillisez-vous, madame, le Ministre de la serinoculture saura reconnaître vos mérites et les récompenser comme il sied. 

 

La Patrie (Montréal), 10 décembre 1907.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS