Il y a des Noëls plus perturbés que d’autres
Celui de 1906 valait de faire la une.
Montréal été véritablement enveloppée d’un nuage blanc pendant la majeure partie de la journée d’hier. Les blancs flocons étaient soulevés, emportés par la rafale qui soufflait par moment à une vitesse de vingt milles à l’heure [plus de 32 km/h].
Cette bordée ne fut pas une surprise, car, depuis quelques jours, le froid humide qui nous pénétrait jusqu’aux os faisait présager une tempête. La veille, un épais brouillard interceptait la lumière de la lune. On aurait pu dire comme les anciens, il y a de la neige dans l’air. Il y en avait en effet, et une bonne bordée. Il en est tombé neuf pouces [25 cm].
Mais comme cette neige était soulevée par un fort vent du nord-est, en certains endroits, elle s’est amoncelée sur une hauteur de plusieurs pieds.
Heureusement, la température n’était pas froide, et les piétons, qui marchaient la figure opposée au vent, n’éprouvaient que l’inconvénient de marcher dans un épais amoncellement de neige, ce qui pour nos concitoyens et concitoyennes n’est pas un obstacle.
La tempête a commencé vers 10 heures et 30 de l’avant-midi. Le vent commença à souffler avec violence. On vit ensuite apparaître les premières brindilles de neige. Bientôt ce fut une véritable tourmente. En un clin d’œil, les rues étaient couvertes d’une épaisse couche.
Les balayeuses électriques des tramways se mirent de la partie. Partout, où elles passaient, c’était un autre nuage de poussière blanche. On ne voyait plus rien pour un moment. Vingt-quatre de ces machines ont été maintenues en opération durant toute la journée et toute la nuit. Elles ont travaillé assez effectivement pour maintenir les voies libres. À part quelques retards inévitables dans des circonstances pareilles, le service des tramways n’a pas été interrompu.
Pour la classe des sans-travail, la bordée d’hier représente de l’ouvrage pour plusieurs semaines. Pas moins de 1000 pelleteurs seront requis pour débarrasser nos rues de cette neige et il faudra au moins 800 voitures pour la transporter aux différents dépotoirs.
C’est une somme de $15,000 qui va sortir des coffres municipaux pour tomber dans le gousset des journaliers de Montréal. De ce montant, la moitié sera payée par la compagnie des tramways.
Le travail par la voirie a commencé hier. Tout l’après-midi, on pouvait voir dans nos principales rues les charrues qui ont reculé vers le trottoir la neige que la balayeuse électrique amoncelait de chaque côté de la voie du tramway. C’est la première fois, en notre ville, que l’on est obligé de travailler à ce genre d’ouvrage, un jour de fête. On a pu cependant se procurer le personnel voulu pour travailler efficacement.
On va d’abord débarrasser les rues où passent les chars, puis on s’occupera des rues transversales où le trafic est le plus considérable, telles que les rues La Montagne, Saint-Urbain, City Councillors, St-Alexandre et autres où les compagnies de camionnage ont leurs remises.
La Patrie (Montréal), 26 décembre 1906.