La rivière Sainte-Anne fait encore des siennes
Un des affluents du Saint-Laurent des plus «capricieux» sur la rive nord du fleuve est sans doute la rivière Sainte-Anne. Les riverains ne savent jamais ce que ce cours d’eau leur réserve.
Ici, une débâcle en plein mois de décembre.
Mercredi avant-midi, alors que tout était calme et paisible dans le village, un bruit formidable semblable à celui du tonnerre se fit entendre tout-à-coup, jetant l’alarme dans la population. On courut s’enquérir de ce qui se passait.
Les dernières pluies ont fait se désagréger la glace sur tout le parcours de la rivière Ste-Anne à partir de St-Alban, et il s’ensuivit une débâcle telle que nous n’en avons pas le spectacle même au printemps.
On se porta sur le pont et, à perte de vue, l’on vit les glaces qui descendaient à une vitesse vertigineuses, se bousculant, tourbillonnant avec une force terrible. À un moment donné, les glaces s’amoncelèrent en face de chez M. Godon et l’eau refoulée se fit un passage par-dessus le rempart de pierre qui protège la rive et se répandit dans le village.
En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, l’eau envahit les terrains, les caves, les étables, etc. On sortit vivement les animaux des étables. On sauva le foin du contact de l’eau. M. O. Hivon faillit perdre un magnifique cheval.
Tout à coup, l’amoncèlement de glace déboula et s’abîma dans la rivière avec un fracas épouvantable. Le spectacle était affreux dans sa grandiose beauté.
De onze heures a. m. jusqu’aux petites heures du lendemain, la glace descendit avec elle des arbres entiers arrachés, des billots, etc…
Des hommes, armés de gaffes, se tenaient sur le rempart, arrêtant au passage les pièces de bois qui seront converties plus tard en bois de chauffage.
Dans plusieurs rues du village, on ne peut circuler qu’en chaloupes. Ajoutez à cela une neige pesante qui tombe drue et froide……
La Patrie (Montréal), 13 décembre 1907.