Non mais quel automne !
Décidément, les baromètres sont dérangés.
De malins esprits exercent sans doute sur eux une pression.
J’entends maugréer contre la température, partout ce sont des mécontentements, des illusions déçues, des fêtes manquées, des courses interrompues. Plusieurs sont revenus de la campagne qui ne désiraient pas revenir de sitôt.
L’automne s’annonce par une vilaine préface.
Les pluies torrentielles se succèdent, je pourrais même dire, s’étagent. Le temps s’écoule entre une fraîche matinée ensoleillée et un après-midi plein de bourrasque et de vent froid. Aujourd’hui, c’est une atmosphère claire et limpide; les grives et les pinsons échangent leurs notes gaies à travers les branches qu’un souffle émonde de leurs feuilles. Les arbres se nuancent sur un fond d’azur, offrant à l’œil charmé la gamme complète des couleurs; c’est une douce brise qui gonfle les voiles, pleure dans les saules, rit sur les grèves; enfin c’est un épanouissement des mille beautés des champs et des bois.
Demain, c’est le revers de la médaille, les grives ont fait place aux oiseaux de malheur, la rafale fouette les grands chênes qui battent l’air de leurs longs fémurs mutilés, maigres, laids; des nuages noirs et grisâtres, portant dans leurs flancs la dévastation, courent dans le ciel, en laissant tomber sur le sol une bordée de grêlons.
Le vent est brutal.
Il n’épargne pas plus nos érables que les liserons des allées désertes. C’est une transformation continuelle.
G. D. [il s’agirait de Gonzalve Desaulniers], Le Monde illustré (Montréal), 20 octobre 1888.