Pour les personnes qui doutent de l’intelligence des bêtes

On a souvent cité des traits d’intelligence fort remarquables de la part de certains animaux, chiens, chats, chevaux, oiseaux, etc.

En voici un qui nous a paru des plus curieux.

Un propriétaire avait l’habitude de loger un jeune poney sous un hangar dont la barrière était munie d’un verrou à l’intérieur, et qui était fermé à l’extérieur par un loquet.

La bête — qui ne l’était pas, on va le voir — pouvait passer la tête et une partie du cou par-dessus la barrière, mais elle ne pouvait atteindre le loquet, ce qui n’empêchait pas son maître de la trouver constamment en liberté dans la cour, sans qu’il puisse s’expliquer comment elle s’y prenait pour s’évader ainsi.

Le propriétaire, désireux d’avoir l’explication de ce mystère, se dissimula dans un grenier, et, à travers un interstice du plancher, il aperçut, dans l’écurie, le poney retirer d’abord le verrou, puis hennir jusqu’à ce qu’un âne, qu’on laissait en liberté dans la cour, vint lever le loquet avec son museau et donner la clef des champs à son camarade.

Voilà, certes, une collaboration qui ne manque pas d’originalité.

Et l’on croirait vivre une véritable fable du bon La Fontaine.

Notre immortel fabuliste n’avait pas prévu celle-là.

C’est dommage.

Le Bulletin (Montréal), 18 septembre 1904.