Bravo, colons du lac Saint-Jean

Les recensements décennaux au Canada débutent en 1851. Par la suite, à chaque dix ans, c’est l’occasion d’un bilan démographique pour toutes les communautés du pays.

Par ailleurs, il faut savoir que, dès le début des années 1860, on retrouve une véritable petite colonie dans la plaine agricole du lac Saint-Jean. C’est sans doute ce qui permet en 1863 à Stanislas Drapeau, dans ses Études sur les développements de la colonisation du Bas-Canada, d’imaginer déjà un chemin qui serait ouvert entre La Tuque et le canton Roberval, sur le Lac St.Jean, formant une longueur de 75 milles, qui offrirait à la colonisation des deux territoires de St. Maurice et du Saguenay des avantages très précieux en donnant naissance à plusieurs belles paroisses.

À la vérité, avant même la route terrestre de La Tuque au lac Saint-Jean, passant par le lac Bouchette, c’est l’ouverture de la ligne de chemin de fer Québec—Lac-Saint-Jean en 1888 qui permettra à cette région du Québec de prendre véritablement son envol.

En 1901, lors du dévoilement des résultats du recensement, le correspondant du journal La Presse se réjouit de l’augmentation du nombre de colons dans la région jeannoise. Dans son article intitulé Bravo, colons du lac St-Jean, il écrit le 31 août :

Le recensement de 1901 a été une boîte à surprise pour plusieurs de nos compatriotes de langue anglaise des autres provinces. Ils comptaient sur une forte augmentation de la population ; mais ils sont désagréablement surpris.

Quant à nous, habitants du district de Québec, c’est avec un vif plaisir que nous voyons l’augmentation phénoménale de la population dans la région du lac St-Jean, cette belle et grande contrée que l’on nomme avec raison le grenier de la province de Québec.

En 1891, le recensement accusait une population de 13, 360 au Lac St-Jean ; et, cette année, la chiffre officiel est de 20, 758, soit une augmentation de 7, 398, ce qui donne un percentage de 73 pour cent, plus une fraction.

Si je me rappelle bien, le tableau du dernier recensement indique que l’augmentation de la population au Klondike, le pays de l’or, a atteint à peu près le même percentage. Ainsi, au lac St-Jean où la hache du brave colon remplace le pic du mineur du Klondike, la population a augmenté d’une façon non moins surprenante.

Les chiffres ci-haut mentionnés sont une éloquente réponse aux attaques faites en certains lieux contre l’immigration des nôtres vers le lac St-Jean. Parfois, les rapports de la Société de Colonisation et de Rapatriement du Lac St-Jean ont été mis en suspicion, parce qu’ils indiquaient, chaque année, une augmentation de colons italiens au lac St-Jean. Les chiffres du recensement sont une confirmation de l’authenticité des chiffres de la Société. La statistique démontre que, pour nos Canadiens-français, le désir de se créer un foyer au sein d’une riche contrée agricole est plus grand que celui de chercher de l’or au fond des ravins du Yukon.

Honneur aux braves colons du Lac St-Jean.

Cela dit, il est un brin trompeur de comparer ici, comme le fait le journaliste de La Presse, le Klondike et la région du lac Saint-Jean. À la fin des années 1890, de jeunes hommes québécois, souvent en petits groupes, prennent le train pour gagner le Yukon dans le but de découvrir de l’or, d’amasser rapidement une fortune et de revenir aussitôt, alors que les voyageurs vers le lac Saint-Jean s’en vont, eux, y prendre souche, s’établir à demeure.

Quant au développement de l’Ouest canadien, il arrivera dans cette région, au début des années 1900, tellement d’émigrants, en particulier provenant d’Europe, qu’on crée deux nouvelles provinces en 1905, la Saskatchewan et l’Alberta.

Source de l’illustration : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection Magella Bureau, cote : P547,S1,SS1,SSS1,D369