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L’âne, un être si précieux dans l’histoire du monde

Les trois anesJ’aime beaucoup l’âne. Nous lui devons tellement. À chaque fois que je le croise, je lui parle avec grande douceur. Il semble porter tout le poids du monde. Ce fut pour l’humanité une bête tellement vaillante.

Voici un texte à son sujet du chroniqueur français Jean-Camille Fulbert Dumonteil (1831-1912). Hommage.

 

Je ne ferai point l’histoire de l’Âne, il faudrait un volume. Je ne ferai pas son éloge, il faudrait un poème. Je ne défendrai pas sa cause, elle est gagnée par quarante siècles de travail, de patience et de dévouement.

C’est une brave bête et un grand calomnié.

Que lui voulez-vous ?

Vous dites qu’il est égoïste. — Mais il vous sert, et vous le frappez; il se dévoue, et vous lui donnez en échange quelques chardons, des coups de trique, une poignée de paille.

C’est un superstitieux, un dévot ! — Mais cette croix mystérieuse qu’il porte tracée sur son dos ne serait-elle pas le symbole de ses souffrances, de ses longs jeûnes et de sa charité ?

C’est un pelé, un galeux ! — Ah ! donnez-lui de bon foin, de l’herbe tendre : à sa croupe miroitante et lisse, vous verrez si, lui aussi, ne sait pas engraisser.

Il est très mal mis, vêtu de bure en hiver et de droguet en été ! — Que voulez-vous ! c’est un paysan qui laisse au cheval les faveurs de satin et les harnais éclatants, au mulet les panaches et les grelots,

Il est entêté, borné ! — Ah ! je vous souhaiterais tout l’esprit que notre bon La Fontaine a restitué à l’âne.

Sa voix est horrible ! — Allons donc ! ce n’est pas un chanteur de salon assurément, mais un ténor campagnard ayant pour conservatoire les bois et les vallons, où sa voix éclate comme un tonnerre, se répercute au loin comme le cuivre des cors de chasse.

C’est un poltron ! — Le loup n’est point de cet avis. Au désert, l’Âne repousse hardiment l’hyène et le chacal par d’impétueuses ruades, et reprend à travers les sables son petit trot infatigable et vainqueur. Enfin, quand il est mort, c’est sur sa peau sonore qu’on bat le rappel ! c’est le tambour du régiment.

De toutes ces calomnies, l’Âne fait litière; il se roule, se relève, se secoue et reprend, en vrai philosophe qu’il est, la route qu’il poursuit depuis six mille ans.

L’Âne est le cheval du pauvre. Monture humble, mais pittoresque et sûre, bête de somme et bête de trait, ce portefaix incomparable rend les plus grands services à l’homme, qui s’est empressé d’en faire un symbole d’entêtement, de bêtise et d’ignorance. […]

Au dire de Buffon, l’Âne est fort propre, se roule volontiers sur l’herbe, mais ne se vautre jamais dans la boue comme le cheval. Il craint même de se mouiller les pieds et se détourne pour éviter la fange.

En dépit de ses sobriquets injurieux : roussin, grison, coursier aux longues oreilles, chantre d’écurie, baudet, maître aliboron, l’Âne, dit Jacques de Biez, n’est jamais méchant, ni bête, et seul entre tous les êtres créés, ne commet jamais d’âneries. […]

Si l’on ouvre la Bible, on rencontre l’Âne à chaque pas :

Job était propriétaire de cent cinquante ânesses, et c’est par le nombre de leurs ânes que se chiffrait la fortune des fils d’Abraham.

C’est avec une mâchoire d’âne que Samson tua mille Philistins.

C’est au pied de la crèche d’un âne que naquit le Sauveur du monde.

C’est sur un âne qu’il arriva dans la cité sainte, jonchée de rameaux verts.

C’est sur un âne que la Vierge Marie, fuyant la persécution d’Hérode, quitta la Judée.

L’Âne, c’est la fuite en Égypte, c’est l’étable divine de Bethléem, c’est l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem.

 

Fulbert Dumonteil, Animaux et plantes, Paris, Éditions Larousse, Deuxième édition, 1889.

Et, au Québec, il y avait dans notre livre de lecture du primaire Marianne sur son âne.

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2 commentaires Publier un commentaire
  1. silvana #

    Ah Là! Je dois sortir de ma tanière pour vous remercier de ce vibrant hommage aux ânes.

    Quels animaux méconnus et pourtant si utilisés jadis. Et d’ailleurs, encore très utiles en d’autres contrées. Ils sont doux et bons. Et aussi parfois caractériels et coquins. Se sont de grand charmeurs oubliés.

    7 avril 2016
  2. Jean Provencher #

    Ô, merci beaucoup, chère Silvana, de ce précieux témoignage. Au Québec, Vous n’êtes pas sans le savoir, l’âne est à peu près inconnu. Ici, on a fait davantage appel au cheval… et, à l’occasion au «p’tit bœuf».

    7 avril 2016

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