Les créations de l’écureuil

J’habite ma campagne depuis 40 ans en avril prochain. Je ne me suis jamais livré à d’importants aménagements sur cette petite terre de quelques arpents. J’ai toujours voulu y observer le passage du temps, sans trop d’intervention humaine, pour le nommer, bien m’en saisir, lui mettre la main au collet. Mais allez faire croire ça aux écureuils qui m’accompagnent depuis ce temps. Eux, l’aménagement les intéresse.

Aussi, je lis constamment le passage de l’un d’eux qui y a laissé une de ses créations, forçant le sourire. Ce joueur adore composer avec les couleurs, imaginer de nouvelles présentations, autres que ce qui est offert. Insatisfait peut-être ? Comment savoir ? Un été, par exemple, il s’est donné comme travail de repérer toutes les branches horizontales pour y aligner, jusqu’à une dizaine de pommes, parfois de couleurs diverses, car j’ai quatre variétés de pomme.

Et à quoi peut-il penser lorsqu’il y va d’un pareil dépôt ? Est-il en train de nourrir une bouche ouverte ? Ou qu’il comble de pommes les fourches des arbres ? Provision ? Allez donc, ses pommes sont à la vue de tout le monde. Plus loin, il a posé tout au cœur d’un endroit de vieillesse une vieille pomme ratatinée, croyant sans doute au mariage de couleurs idéal.

Et voyez ci-haut cette beauté. Un nid de pimbina créé dans un peu d’herbe sèche entourée de neige. Il n’y a pas plus belle offrande pour des oiseaux venus chercher au Sud la nourriture qui leur manquait au Nord.

Créateur, l’écureuil.

J’échangerais bien mon cerveau pour 24 heures afin de connaître ce qui se passe dans le sien. Cette petite bête fait si bien corps avec ce milieu.

* * *

À la lecture de ce billet, mon ami Jacques m’envoie un haïku de sa propre composition, tout à fait de circonstance :

Un frisson a agité

le tapis de feuilles mortes

l’écureuil est passé

Merci beaucoup, cher Jacques.