Les enfants fument
Pendant longtemps, on a permis aux enfants de fumer aussi tôt qu’à trois ans. Dans plusieurs familles, blanches comme amérindiennes. Les voyageurs étrangers le notent. Mais voilà cent ans, on commence à réagir.
En 1905, le congrès de l’Association des instituteurs de la région de Montréal, qui se tient à l’école normale Jacques-Cartier, déplore l’effet désastreux du tabac chez les enfants.
M. J. B. Labarre [probablement Joseph-Philippe Labarre] donne ensuite lecture d’une conférence fort intéressante sur l’abus du tabac, ses effets pernicieux. Il fait l’historique de l’introduction du tabac dans l’univers, puis en parle au point de vue hygiénique, laissant aux médecins de traiter la question à d’autres points de vue. Il termine sa conférence en demandant aux professeurs de donner leur opinion sur les meilleurs moyens à adopter pour enrayer l’usage de la cigarette chez les enfants.
M. Lacroix, le directeur général des écoles, parlant des ravages qu’exerce sur nos jeunes gens et surtout chez nos enfants l’abus de la cigarette, met sous les yeux de l’assistance un état de chose lamentable.
Il n’est pas rare de voir chaque jour des enfants aux traits émaciés, au regard hébété, secoués de tremblements nerveux, indice de l’usage excessif de la cigarette. Chez ces élèves, l’insouciance remplace l’énergie et l’amour du travail. Ne vivant que pour leur passion, ils vendent tout ce qui leur tombe sous la main pour pouvoir la satisfaire.
On compte par milliers les enfants dans les écoles de Montréal qui fument la cigarette. Il ne croit pas exagéré de dire que, dans certaines écoles, 40 p. c. à 50 p. c. des élèves fument. Voilà le mal, il faudrait un remède. Ils appartient aux éducateurs de faire des hommes, des élèves, de les prémunir surtout contre les dangers de l’abus du tabac.
Plusieurs professeurs donnent leur opinion sur le remède à appliquer. Mais le plus efficace serait la réglementation de la vente du tabac, de faire comme pour les boissons enivrantes, défendre la vente du tabac aux mineurs.
Pour cela, il faudrait s’adresser au conseil municipal puis aux autorités fédérales.
En attendant, les instituteurs sont priés de s’efforcer d’user de toute leur influence morale pour inspirer l’horreur du tabac aux enfants confiés à leur charge.
La photographie réalisée par Paul Provencher est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds ministère de la Culture et des communications, Paul Provencher, cote : E6, S9, P160. L’ingénieur forestier la commente ainsi : Les jeunes Montagnais apprennent jeunes (des parents) à fumer. Ici Joseph Benoît initie (son fils) Jean-Marie, à un campement de la rivière Pistuakanis (bassin Toulnoustook 1934).