De quelques questions existentielles
En 1902, on travaille toujours à une carte du ciel, un bien long projet. Mais cette carte achevée, serons-nous certains que rien d’autre ne se cache au-delà de ce que nous voyons, se demande le quotidien La Patrie du 18 décembre 1903.
On s’occupe depuis 1889 à dresser une carte du ciel. C’est à la suite d’une conférence internationale que cette gigantesque publication a été décidée, et tous les observations [sans doute veut-on dire observatoire] du monde se sont partagé la besogne. Et quelle besogne !… Cet atlas aura environ 2,000 feuilles, embrassant les 42,000 degrés carrés de la sphère céleste et comprendront les étoiles jusqu’à la quatorzième grandeur inclusivement, c’est-à-dire vingt millions de soleils ! …
Or, nous recevons la lumière des étoiles de quatorzième grandeur, mais qui nous dit que, dans leur course plusieurs fois séculaire, les vibrations lumineuses n’ont pas perdu de leur énergie ?…
Tout, dans la nature, est admirable et plein d’une grandeur qui déconcerte.
Et l’infiniment petit n’est pas moins merveilleux que l’infiniment grand. Il suffit d’en prendre à témoin les nouvelles découvertes de la physique. Que nous apprennent-elles, ces découvertes ?
Que l’atome, le fameux atome insécable, qui résistait à toute division, l’atome, la plus petite quantité de corps simple qui pût, dans l’ensemble de ses recréations, passer d’une combinaison à l’autre, l’atome est détrôné par les électrons et les ions !… En d’autres termes, l’atome est composé d’une multitude d’atomes plus petits !…
Les travaux des Becquerel, des Gustave Le Bon, des Crookes, des de Heen, etc., etc., révolutionnent l’ancienne physique. Ils ont pour objet l’étude des lois qui président à la constitution de la matière dont on paraît commencer à soulever le voile…
Mais, quoi que fassent les hommes, ils sont arrêtés par l’insondable mystère. Et c’est déjà bien beau que nous puissions… nous qui sommes si petits, nous dont l’existence a une durée de quelques secondes, envisager de tels problèmes !…