«La lumière électrique»
Au tout début des années 1880, naît la lumière électrique. Un chroniqueur qui signe simplement Hix explique, dans L’Opinion publique du 24 novembre 1881 ce qu’elle est.
La plupart d’entre vous avez vu cette brillante lumière dont l’usage se répand tous les jours, et qui sera le mode d’éclairage de l’avenir le jour où l’on aura trouvé moyen de produire de l’électricité à bon marché. Les wagons de chemin de fer de Brighton, en Angleterre, une foule d’édifices en Europe sont déjà éclairés aux reflets de cette lumière, qui ne répand ni chaleur ni odeur autour d’elle, et qui nous transporte bien loin de l’antique chandelle de six ou huit à la livre. […]
Au point où nous sommes arrivés, constatons que nous avons pour produire l’éclairage électrique trois éléments : 1) un producteur ou générateur d’électricité; 2) un fil conducteur du fluide; 3) une lampe. […]
Nous pouvons maintenant aborder la description des lampes électriques, deux des principales connues dans le pays : la lampe Weston et la lampe à incandescence. La première sert surtout à l’éclairage des rues. On la voit à Montréal sur les quais, à la gare Hochelaga, dans le vestibule du St Lawrence Hall, et en face de cet hôtel. Elle consiste en deux crayons de charbon placés debout l’un en face de l’autre, et ayant à leurs extrémités les fils conducteurs de l’électricité. L’arc électrique jaillit entre les deux charbons et donne cette lumière intense, que l’on connaît et que l’on rend supportable à la vue en l’entourant d’un verre dépoli. […]
Cette lampe a le défaut de donner une lumière qui manque de fixité : elle sautille, fatigue, donne des éblouissements; elle a des perfectionnements à subir.
La lampe à incandescence, c’est une tout autre affaire; c’est la lampe qui éclairera nos demeures lorsqu’on aura trouvé le moyen de vendre la lumière électrique à meilleur marché que le gaz, Cette lampe (voir gravure) consiste en un globe de verre de la grosseur d’une poire ordinaire. Le vide aussi parfait qu’on peut le faire existe dans ce globe, c’est-à-dire qu’on en fait sortir tout l’air, et vous verrez pourquoi tantôt.
Le petit trait noir que vous apercevez au milieu est un filament de carton carbonisé. Ce filament est serré par des espèces de pinces de métal, en bas du globe, pinces où aboutissent les fils conducteurs qui amènent l’électricité.
Le courant électrique arrive dans cette lampe par les fils et traverse le charbon en le portant au rouge blanc sans le brûler; il n’y a pas de combustion comme dans les autres lampes, où les charbons brûlent. Pour qu’il y ait combustion, pour que ça brûle comme on dit vulgairement, il faut de l’air; excluez l’air de vos poêles et ils s’éteindront tout de suite.
Or, on a enlevé tout l’air qu’il y avait dans le globe et, comme il n’y en a pas, le charbon rougit sans brûler et produit cette lumière douce, ressemblant un peu à celle du gaz, mais bien plus fixe; ne donnant ni odeur, ni chaleur.
Au sujet de l’illustration, le journal nous renvoie à une note de bas de page qui se lit ainsi : C’est par erreur que dans nos gravures on désigne la lampe à incandescence sous le nom de lampe électrique.