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De nouvelles prédictions de Wiggins qui ne se réalisent pas

stone wiggins 1888Dans la presse des dernières années du 19e siècle, ils sont deux prophètes canadiens à annoncer le temps à venir et, quelquefois, des cataclysmes. Wiggins et Vennor. Les populations étaient-elles plus crédules que celles d’aujourd’hui ? Chose certaine, en septembre 1886, Wiggins a fait peur aux Américains. Attention au 29 septembre ! Le 29 arriva et rien ne se passa.

Le chroniqueur Léon Ledieu revient sur la prophétie et son auteur.

Donc, le professeur Wiggins, qui n’était nullement prophète en son pays, c’est-à-dire en Canada, l’était beaucoup chez nos voisins, et dire qu’il n’était pas au moins l’égal de feu Nostradamus, d’énigmatique mémoire, eut été s’exposer à se faire maltraiter sur la terre américaine.

Aussi, quand il annonça qu’à la fin du mois dernier, le vingt-neuf, je crois, le Nouveau-Monde allait se livrer à une danse dévergondée, on le crut sur parole.

Le savant professeur, s’inspirant du psaume qui rappelle la sortie d’Israël de l’Égypte, avait dit qu’à deux heures de l’après-midi, la mer s’enfuirait et que les fleuves remonteraient vers leur source.

Les montagnes devaient bondir comme des béliers et les collines comme des agneaux.

Alors on vit se renouveler les terreurs de l’an Mil et on assista à un spectacle étrange qui prouvait bien l’approche de la fin du monde.

Depuis l’aurore du vingt-neuf septembre jusqu’à deux heures de l’après-midi, aucun usurier n’escompta de billet à plus de cinq pour cent, des pic-pokets respectèrent la propriété d’autrui, les avocats ne dirent mot, pas une femme ne parla chiffon, on a vu des propriétaires refuser de saisir les meubles de leurs locataires, des buveurs repousser l’offre d’un verre de dur, des caissiers respecter la caisse, des échevins raisonner sérieusement, etc.

Mais quand deux heures, puis trois heures sonnèrent à toutes les pendules dans les trente-huit États de l’Union Américaine et qu’on vit le globe d’or qui éclaire la terre continuer tranquillement sa course sans qu’aucun signe funeste ne se manifestât, soixante millions de bouches s’écrièrent :

«Mer, pourquoi n’es-tu pas fui et vous fleuves, pourquoi n’êtes-vous pas remontés vers votre source ?»

«Montagnes, pourquoi n’avez-vous pas bondi comme des béliers ? et vous, collines, comme des agneaux ?»

Et les soixante millions d’hommes, femmes et enfants, terrorisés une heure auparavant, répondirent : Parce que Wiggins n’est qu’un farceur.

Pardonnez-moi cette abominable imitation d’un admirable passage d’un chant sacré, mais si vous aviez lu les rapports qui nous sont arrivés de tous côtés, vous verriez qu’il n’y a là rien d’exagéré.

Après avoir eu un moment la réputation du plus grand savant de tous les siècles, Wiggins est aujourd’hui considéré comme l’être le plus ignare, le plus sot et le plus fou qu’on puisse trouver.

On ne le désigne plus que sous le nom de : The Canadien crank !

 

Le Monde illustré (Montréal), 16 octobre 1886.

La gravure de Stone Wiggins en 1888 provient de la page Wikipédia en langue anglaise qui lui est consacrée.

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