Les impressions d’un touriste belge sur Montréal
L’homme signe simplement V. R. Le quotidien La Patrie publie son texte le 24 septembre 1904.
Je m’étais figuré Montréal tout différent.
Sa situation au bord d’un fleuve magnifique, ses collines qui furent le théâtre de mille faits fameux, en faisaient pour moi une ville de rêve : c’était l’un des buts de ce voyage.
C’est une désillusion.
Au pied de la butte où s’élèvent les maisons de la vieille ville, des magasins et des docks, des fabriques dont les cheminées montent vers le ciel, des rues montueuses et sales, bordées de maisons et de maisonnettes d’une propreté douteuse.
C’est le quartier qui avoisine le port, l’endroit où vinrent s’établir les premiers colons.
Le port n’est pas bien important.
Les détours du fleuve sont trop nombreux, la profondeur insuffisante, enfin, les glaces le ferment pendant une grande partie de l’année. Le trafic se fait par chemin de fer.
Des clochers nombreux se détachent sur le Mont Royal, qui domine le fond du paysage.
On débarque.
Des rues étroites et affreusement pavées conduisent à la place Viger, une grande place garnie d’arbres comme celles des vieilles villes de provinces françaises.
Des rues longues et tristes, où les maisons en bois voisinent avec les constructions banales à deux ou trois étages de nos villes européennes, des couvents et des églises en pierre rouge, dont les clochers se profilent dans le ciel.
Des monuments nombreux, intéressants souvent, remarquables même, dans cette Amérique où on ne voit que des choses banales et lourdes, mais écrasées par la masse des constructions environnantes, s’alignent dans des voies trop étroites.
Le point le plus important est le Dominion square, où, autour de beaux jardins plantés d’arbres et de fleurs, s’élèvent quelques monuments curieux, une vieille église faite sur le plan de St-Pierre de Rome, une chapelle intéressante et un hôtel à quinze étages, le seul building américain qui ait envahi la ville, je crois.
Cela sent la place de l’évêché de province.
L’aspect de la ville est tout à fait différent de celui des cités américaines. On sent l’influence européenne, mais elle s’est exercée loin de tout centre, sans plan, sans idée d’ensemble, à travers toutes sortes de difficultés, à mille lieux de la mère-patrie. […]
L’aspect de la ville est fantastique en hiver, paraît-il. Des stalagmites se forment aux façades des maisons, la neige s’accumule, les rues sont sillonnées de traîneaux.
Le fleuve est un vaste champ de glace. On se croirait sur les bords de la Néva [fleuve de la Russie occidentale se jetant dans la mer Baltique à la hauteur de Saint-Pétersbourg].