Qu’attend-on pour enseigner l’histoire à nos enfants ?
Le Sorelois du 24 février 1880, à la une, prend le relais du Quotidien de Lévis et du Pionnier de Sherbrooke.
Sous ce titre, nous lisons dans le Quotidien de Lévis ce qui suit :
Notre intéressant confrère du Pionnier de Sherbrooke, dans un récent article, suggère une idée qui devra, sans doute, rencontrer l’approbation de toute la presse canadienne-française.
Parlant de l’enseignement que nos enfants reçoivent dans nos écoles, il constate que l’on ne prend pas assez les moyens de développer chez eux le sentiment national en ne leur fournissant pas suffisamment l’occasion d’apprendre ce qui concerne leur propre patrie.
Il n’est pas besoin de dire que nous avons les mêmes idées que notre confrère sur ce sujet et tout le monde comprendra avant peu, nous l’espérons, que c’est une lacune qu’il faut combler.
Le Pionnier suggère d’introduire dans nos écoles des livres où les élèves pourront apprendre, dès le commencement de leur éducation, les faits glorieux de notre histoire. En effet, dans certaines écoles, on ne donne aucune notion sur cette partie de l’enseignement qui devrait certainement être une des principales pour nous; dans d’autres institutions, l’histoire du Canada s’apprend trop tard.
Ainsi, il y a bien des maisons d’éducation, et certes des plus célèbres et des plus renommées, où il faut avoir passé six ou sept ans avant de commencer à apprendre la découverte du Canada par Cartier et la fondation de Québec par Champlain. Ce n’est également qu’en rhétorique [à l’âge de 18 ans], après avoir parcouru l’histoire de tous les peuples qui se sont succédés sur la scène du monde depuis les Israélites et les Égyptiens jusqu’à nos jours, que l’on apprend les noms si glorieux de [Louis de Buade, comte de] Frontenac, [François] de Laval, de [Louis-Joseph de] Montcalm, etc.
Plusieurs fois, en faisant notre cours d’étude, nous avons déploré ce système qui fait que, si l’élève n’a pas étudié par lui-même, il est rendu à dix-huit ou dix-neuf ans et à la fin de ses études sans souvent savoir quelle est la forme de gouvernement que nous avons en Canada et ne pourrait répondre si on lui demandait ce qu’étaient [Pierre-Stanislas] Bédard, [Louis-Joseph] Papineau, [Jacques] Cartier, etc.
Et combien d’élèves maintenant qui laissent le collège avant d’avoir fait leur rhétorique et, par conséquent, avant d’avoir étudié l’histoire de leur pays ?
Certes, nous ne dirons pas que le peuple canadien manque de patriotisme, non, mais qui peut affirmer que s’il connaissait mieux l’histoire de ses pères et des luttes qu’ils ont soutenues, le sentiment national ne serait pas encore plus vivace chez lui ?
S’il avait des connaissances plus profondes et plus étendues sur les cruautés dont nos pères ont été victimes pendant si longtemps, nous ne verrions pas aujourd’hui un si grand nombre de ces anglomanes qui croient que les affaires ne peuvent bien se faire qu’en anglais. Nous serions plus unis et par conséquent plus forts; nous n’aurions pas à déplorer tant de divisions entre nous, divisions qui nous seront toujours funestes.
Que dirait-on en France d’un tel système, là où le sentiment national et l’amour de la patrie sont si grands ? Là où l’histoire et la géographie de son pays constituent, après la religion, la matière principale qui soit enseignée aux enfants ?