Une Parisienne défend sa ville
En février 1894, un Américain du nom de Peters, sans doute de retour de Paris, publie une lettre dans le New York Herald affirmant que la capitale française est la ville la plus corrompue du monde. Insultée, une Parisienne lui répond dans le Sun et, le 22 février, La Patrie, le quotidien montréalais, se fait un plaisir de reprendre son propos.
Je suis une Parisienne. Mon mari a occupé une position élevée dans la capitale française, où j’allais beaucoup dans le monde, et je me flatte d’en savoir beaucoup plus sur Paris et ses habitants que les touristes qui ne font le plus souvent que traverser la France. Est-il juste que des visiteurs de ce genre critiquent mon pays d’après ce qu’ils ont pu voir dans les rues ou d’apprendre d’autres touristes ?
Le docteur Peters, comme tant d’autres, ne connaît Paris et sa moralité que superficiellement d’après ce qu’il a pu observer sur les boulevards. Il ignore, sans aucun doute, qu’il y a toujours sur les boulevards plus de touristes étrangers que de Parisiens. C’est là que s’assemble toute la population flottante. En prenant les boulevardiers pour les Parisiens, le docteur Peters a vu sans aucun doute des gens très gais et très joyeux; mais il devrait savoir qu’il y a à Paris une population beaucoup plus nombreuse dont les sentiments et les mœurs devraient être pris en considération.
Je crois bien que M. Peters ne connaît rien ou presque rien du véritable Parisien, de sa famille, de son intérieur. Peut-être a-t-il lu quelque part qu’il n’y avait rien de semblable à Paris. Je voudrais pourtant lui faire remarquer qu’il n’y a pas de pays au monde où le foyer soit considéré comme plus sacré, où il soit plus respecté et plus aimé qu’à Paris.
Moi qui y ai habité la plus grande partie de ma vie, je n’ai jamais entendu parler, ni chez moi, ni chez mes nombreux amis, de scandales pareils à ceux que j’ai observés dans d’autres pays. Jamais je n’aurais supposé que Paris fût plus immoral que n’importe quelle autre grande métropole et j’y ai certainement entendu parler de beaucoup moins d’immoralités qu’à New-York.
Prenez les journaux de Paris comme exemple. Leurs collections de l’année ne contiennent certainement pas autant de nouvelles que l’on peut en trouver en moyenne dans une semaine dans un journal américain.
Le tableau Bal au Moulin Rouge est bien sûr d’Henri de Toulouse-Lautrec. On le retrouve au Philadelphia Museum of Art, de Philadelphie. Il apparaît sur la page Wikipédia consacrée au peintre.