Explications au sujet de certaines superstitions
Le Canadien du 28 janvier 1881 fait la une avec un texte de Charles Joliet paru, dit-il, dans le Journal des connaissances utiles.
1) Pourquoi prête-t-on une influence néfaste à la main gauche ?
Joliet affirme que, chez les anciens, le côté gauche était «sinistre et de mauvais augure». Une corneille qui volait à gauche, par exemple, était un signe de malheur.
Chez les peuples primitifs et même chez les Grecs et les Romains, la main gauche se trouvait chargée tout spécialement des fonctions impures et malpropres qui auraient souillé la main droite et dégradé la dignité de son rôle. […] La main droite a été choisie pour les actes solennels, pour prêter serment, affirmer sa croyance, montrer le chemin du ciel. L’ostracisme de la gauche, sa sœur jumelle, vient peut-être de ce que, plus voisin du cœur, ses efforts et ses mouvements violents troubleraient plus directement les fonctions vitales. […]
On a tort cependant de condamner injustement la main gauche à l’inaction et de se priver ainsi d’un utile auxiliaire. Il y a de réels avantages à rendre les enfants, non pas gauchers, mais ambidextres.
2) Pourquoi considère-t-on comme un présage de mauvais augure un verre qui tombe sans se briser, et le contraire comme un signe heureux ?
Il y a un proverbe qui dit : «Verre qui tombe sans se casser, malheur qui passe; verre qui se brise, bonheur dans la maison.» Ces superstitions populaires sont inoffensives, et donnent de l’intérêt à des choses insignifiantes en elles-mêmes. Quand elles n’auraient d’autre effet que de servir d’excuse à une maladresse involontaire ou de consoler de la perte d’un objet brisé, il ne faudrait pas les condamner.
Il faut, je crois, remonter aux cérémonies du rite juif pour trouver l’origine de la croyance qui fait considérer comme un présage néfaste la chute d’un verre qui ne casse pas. À la consécration du mariage israélite, le rabbin jette avec force un verre contre terre, et les assistants augurent du bonheur des deux époux, si le verre se brise complètement. Cette coutume s’est propagée chez les Latins qui nous l’ont transmise.
3) Qu’en est-il de la salière renversée ?
Si l’on renverse ou voit renverser une salière à table, il faut, selon la superstition, prendre sur la lame de son couteau quelques grains du sel répandu et les lancer par-dessus l’épaule gauche en prononçant la formule romaine : «Sinistrum». Pourquoi ? Je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit de cette conjuration, il est incontestable que le sel joue un rôle capital dans les relations humaines. Le sel a toujours été considéré comme substance sacrée, Est-ce une vague réminiscence du berceau du monde, la mer ? […] Le sel emporte avec lui une sorte de respect que la superstition exagère, en voyant un présage de mauvais augure dans l’action de le renverser.
4) Puis le treize à table ?
La raison qui fait attribuer une influence néfaste au nombre treize remonte aux premières origines du christianisme. Douze apôtres et le Christ étaient les convives de la Cène. Un traître se trouvait parmi eux. De là vient la superstition qu’un malheur plane sur la tête d’un des treize convives réunis à une table.
Cette superstition a donné naissance à une profession rare. Un original avait fait graver sur sa carte de visite : M. X. Quatorzième. Quand on était treize, on l’invitait à dîner.