La vie dans la marge
Dans la presse québécoise d’il y a plus de cent ans, on n’hésite pas, à l’occasion, à parler de sujets, comme la polygamie ou l’inceste. Mais qui voudra s’appuyer sur ces journaux pour faire l’histoire de l’homosexualité, masculine ou féminine, peinera, car c’est le silence.
Étonnamment, le quotidien montréalais La Patrie fait sa une, le 7 novembre 1883, avec un article qui a pour titre «Mariage entre femmes». Mais il s’agit d’une histoire qui se vit aux États-Unis.
M. Hudson, de Belvidere, Illinois, accompagné de ses deux enfants, est allé à Waupun, Wisconsin, à la recherche de sa femme qui avait déserté la domicile conjugal, et il a eu la surprise de [la] trouver habillée en homme et se faisant appeler Frank Dubois. Sa surprise est devenue de la stupeur en apprenant que sa femme était maintenant le mari d’une autre femme, nommée Gertrude Fuller, et vivait avec elle.
Le mariage des deux femmes a été célébré au commencement du printemps dernier, dans la résidence et en présence des parents de Gertrude Fuller, par le Rév. Morrison qui, bien entendu, ne soupçonnait pas le sexe du futur et croyait comme tout le monde que c’était un jeune homme nommé Frank Dubois.
Du reste, cet époux féminin s’acquittait consciencieusement d’un de ses devoirs essentiels de mari : il travaillait comme peintre en bâtiments et gagnait de quoi subvenir aux besoins de sa compagne. Celle-ci est, dit-on, d’une si adorable naïveté qu’elle a été aussi étonnée que les autres d’apprendre que son mari n’était pas un homme.
Dès qu’il a été de notoriété publique que le soi-disant Frank Dubois, mari de Gertrude Fuller, Waupun, Wisconsin, était la femme de S. Hudson, de Belvidere, l’étrange couple, craignant d’être arrêté, a décampé.
Un reporter, parti sur la piste des fugitives, les a rejointes dans la maison du fermier Bristow, entre Brandon et Fond-du-Lac, et, après mille difficultés, il a obtenu une entrevue. Frank Dubois a commencé par soutenir qu’il était un homme, mais le reporter lui ayant fait observer qu’une imposture aussi évidente ne manquerait pas de lui attirer des désagréments, Frank, pressé par sa femme elle-même de dire la vérité, a avoué qu’il faisait partie du sexe enchanteur.
«Hudson, mon mari, a dit l’être équivoque, est allé dans l’Illinois le printemps dernier. Aussitôt j’ai pris des habits d’homme et je suis partie pour Waupun, où j’avais auparavant vu et admiré Gertrude Fuller. Je lui ai fait la cour, nous avons été mariés, et elle n’a su que j’étais une femme que la nuit qui a suivi la cérémonie. Je lui ai demandé le secret, et elle l’a gardé. Dès l’instant qu’elle est parfaitement satisfaite, je ne vois pas en quoi notre mariage regarde le public. En tous cas, je ne veux plus vivre avec Hudson. Je suis décidé à porter des pantalons, à fumer et à gagner ma vie comme un homme.»
Le reporter s’est retiré avec l’impression qu’il y a quelque anguille mystérieuse sous roche.
Les deux symboles de Vénus entrelacés, représentant ainsi un couple de femmes, apparaissent sur la page Wikipédia consacrée au lesbianisme.
Contribution à une histoire de l’homosexualité.
Ce texte me fait bien sourire… car encore aujourd’hui, trop de gens pensent que dans un couple d’homosexuels-les, il y a ces rôles bien campés d’homme et de femme… Alors que non ! Qu’on se le dise…
Et je parle en connaissance de cause, comptant au nombre de mes enfants une jeune femme homosexuelle qui vit en couple harmonieux depuis des années et est la seconde maman de deux mignons garçons(la conjointe étant la mère biologique). Nulle cachette, nulle provocation, la vie toute simple ! Mais ne cherchez pas à savoir qui joue le rôle du gars…(rire !)
Merci beaucoup, chère grand-mère, de ce témoignage !