Excursion à Grosse-Isle

La station de la quarantaine de Grosse-Isle, faisant partie de l’archipel de l’Isle-aux-Grues, en aval de Québec, dans l’estuaire du Saint-Laurent, fut créée en 1832 pour parer aux dangers d’une grave épidémie de choléra qui sévit alors en Europe. Elle servira de lieu d’arrêt des bateaux venant de l’étranger jusqu’en 1937.

Le 28 septembre 1894, 350 délégués de l’Association américaine d’hygiène viennent du Mexique, des États-Unis et du Canada visiter les lieux en quelques heures. Le 1^er octobre, le journaliste de La Patrie nous donne un compte rendu de cet événement organisé par le Conseil d’hygiène de la Province de Québec.

Les excursionnistes, arrivés à la quarantaine à huit heures et demie, purent pendant trois heures faire une inspection complète et minutieuse de toute l’installation.

La Grosse Isle est à trente milles de Québec, dans un coin du Saint-Laurent disposé de façon à en faire une position stratégique (au point de vue sanitaire, s’entend), admirable en tous points. L’eau qui n’est pas encore salée à cet endroit est aussi bonne qu’abondante, ce qui est un élément indispensable. La disposition naturelle de l’île en fait un sanatorium parfait.

L’élévation du sol, la végétation, sa position intérieure abritée contre les gros vents, combinent un endroit charmant au point de faire presque désirer d’y être caserné avec le chargement d’un navire infecté, pourvu bien entendu que l’on soit indemne.

En effet, un chemin tracé et bien fréquenté, si l’on en juge par les apparences, conduit chacun de nous aussitôt débarqué à un vaste enclos religieusement gardé, où un petit obélisque de marbre nous raconte l’épouvantable histoire de plus de cinq mille émigrés morts du typhus en 1847 et endormis sous cette pierre avec leurs souffrances, leurs angoisses, accrues encore par les douleurs de l’exil.

Nous saluons avec respect le souvenir des docteurs Benson, Pinet, Mailhiot et Jamieson ensevelis avec eux pour avoir voulu les sauver. Héros obscurs aujourd’hui inconnus, dont le dévouement a fait l’admiration des malheureux pestiférés et du pays tout entier. […]

Trois désinfecteurs gigantesque, à doubles parfois formant un magasin cylindrique tout entouré de vapeur, sont tout prêts à fonctionner et en état de purifier de toute espèce de microbe, et cela en un clin-d’œil, le bagage de tout un paquebot avec ses quinze cents voyageurs. Cette désinfection empêchant l’épidémie de se propager, ce qui importe avant tout; les malades sont ensuite transportés à l’hôpital situé à la partie inférieure de l’île et où 150 personnes peuvent aisément recevoir les soins les plus assidus, grâce à un outillage complet à cet égard. Cet hôpital est desservi par des laïques.

Les voyageurs sont logés, suivant leur bourse, dans un hôtel situé près du débarcadère ou dans des abris immenses, pourvus de réfectoires et de dortoirs communs, où tout, lits, tables, sièges, est en fer galvanisé et conséquemment peu hospitalier pour le microbe.

La literie y est disposée de façon à pouvoir se purifier très vivement. […]

Somme toute, les délégués ont été heureux de constater une installation très complète et très bien comprise. […] La quarantaine de la Grosse-Isle est sous la surintendance du docteur Montizambert, assisté des aides-médecins, les docteurs Côté et Church, et de quelques employés permanents, dont le nombre peut être décuplé au besoin. Ces employés habitent l’île avec leurs familles et sont tous de hardis marins et en même temps de téméraires gardes-malades. […]

Le retour fut aussi intéressant qu’avait été la visite. Les appréciations des visitèrent se donnèrent libre cours.

Le plan de Grosse-Isle est déposé à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec dans le Vieux-Montréal, Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Montréal. Greffes d’arpenteurs, Henri-Maurice Perrault, Plans d’arpentage, Cote : CA601, S53, SS1, P3078.