Soudain l’automne
Dans la presse québécoise ancienne, il arrive que certains voient venir l’automne avec la tristesse au cœur. Mais bientôt, ils retombent sur leurs pieds. Le chroniqueur de La Patrie du 3 octobre 1883, anonyme, en fait ici la preuve.
Octobre est venu.
De grands nuages gris voilent le soleil. Le vent d’automne pleure dans les rameaux jaunis. Les feuilles commencent à joncher le gazon, et les torrents gonflés par les pluies grondent dans les lointains comme des tonnerres.
Adieu, les soirs sereins ! Adieu, les aurores éblouissantes ! Adieu, les courses dans les prés et sous les bois ! Adieu, les chants d’oiseaux qui se croisent dans l’espace embaumé ! Adieu, les gazouillements des buissons et des sources !
Plus de joyeux moissonneurs attroupés dans les blés ! Plus d’amoureux sous les tonnelles ombreuses ! Plus de sérénades la nuit sur les flots étoilés ! Dans l’air, plus de parfums, plus d’ailes ! […]
Comme aux rayons de l’aube s’enfuit la brume d’or, comme dans un songe un gracieux fantôme, l’été s’est envolé, ne laissant derrière lui que débris et tristesse. Mais parfois le soleil déchire tout à coup les nuages et verse des lueurs chaudes sur les vagues et les champs; et l’on croit alors entendre encore dans le lointain le chant des oiseaux, il nous semble respirer durant quelque temps les vagues senteurs de l’été évanoui.
Comme la saison des fleurs et des amours s’évanouit la jeunesse. Des nuages tout à coup passent sur nos jours, dérobant l’astre de nos rêves et de nos ivresses.
Pourtant, parfois à travers notre ciel noir, il glisse des rayons qui réchauffent nos fronts. Alors il nous semble voir flotter dans le lointain l’image rose de nos bonheurs enfuis. Nous levons les yeux sur l’avenir, nous sentons l’espoir renaître en notre âme.
Notre œil trompé découvre le sentier bordé de buissons fleuris où tout petits enfants nous marchions tenant notre mère par la main; les bosquets où, après les heures d’école, nous allions faire la guerre aux oiseaux; l’arbre de la route où, par un soir de printemps, nous avions gravé notre nom à côté d’un nom adoré, nous avions répété ce mot qui renferme toutes les harmonies, mais qu’aucune lèvre n’a jamais prononcé sans trembler.
Tous les plus beaux feuillets de notre vie se déroulent devant nos yeux, et, nous nous croyant tout à coup rajeunis, nous versons des larmes de joie; et les rayons qui luisent ainsi sur notre vie, ce sont ceux de cette lampe inextinguible et sacrée qu’on nomme le souvenir.
Toute cette nostalgie reliée à l’automne était peut-être reliée au fait que les gens « s »encabanaient » avec l’arrivée du froid, synonyme d’inconfort et de malaises nombreux(grippes…), de routes difficiles en hiver et d’isolement ? Alors qu’aujourd’hui, il me semble qu’on peut passer d’une à l’autre sans trop de difficultés. Nous avons peut-être appris à mieux apprivoiser et aimer toutes les saisons grâce aux technologies de communication(téléphone, ordinateurs), aux maisons chauffées, aux routes déblayées…
Je passe sous silence, bien sûr, les « snowbirds »…(sourire moqueur)
Peut-être, en effet, chère Vous. Mais sauf pour les routes. On aimait l’hiver, en particulier parce que c’était la saison qui nous faisait les plus belles routes.
Bonjour M. Provencher!
Quelle belle trouvaille que ce texte! Si bien écrit!
En effet, lorsque l’automne est là et que le soleil revient réchauffer nos fronts, ça nous recharge pour un petit bout, nous rappelant les beaux jours de l’été; nous nous remettons à nos projets afin d’accueillir l’été suivant!
Beau parallèle avec les saisons de la vie!
Bonne journée!
Francine
Merci beaucoup, chère Vous.