Dans la série «D’autres habitants de la terre» (5)
Ou comment présente-t-on d’autres pays du monde dans la presse québécoise d’il y a plus de 100 ans. Aujourd’hui : L’Albanie. L’article provient de l’hebdomadaire montréalais L’Opinion publique du 28 octobre 1880.
Les Albanais sont de simples barbares, des hommes très sobres, très peu exigeants; le pain de maïs, le fromage, le lait composent leur nourriture de tous les jours; ils boivent de l’eau, très rarement de l’eau-de-vie. Les jours de fête, ils mangent de la chèvre ou du mouton rôtis au riz, puis on prend du miel et du lait.
Leur costume est léger, pittoresque, bien drapé : il a pour éléments le fez, la fustanelle tombant jusqu’aux genoux, la vareuse brune du marin et avec cela, dans le sud seulement, un surtout de laine blanche. Des broderies et fioritures à l’excès, partout où faire se peut. Les hommes ont la tête rasée, sauf une forte touffe au sommet, ou bien seulement la partie antérieure du crâne. Point de barbe, mais d’autant plus de moustaches.
L’Albanais dort dans ses habits, sur un lit de feuilles ou sur un tapis, sur la terre battue de sa maison toute primitive. Dans le nord du pays, il habite des demeures en pierre ayant généralement deux étages, le supérieur servant de résidence; souvent la maison est voisine d’une tour; tour et demeure sont unies par un pont suspendu, et, en cas de danger, la tour sert de réduit.
Tout est calculé pour une bonne défense : la maison est dans une situation élevée, elle épie le pays et elle a ses derrières assurés par de formidables rochers et ses fenêtres sont des meurtrières.
Dans le sud de l’Albanie, contrée plus agricole que le nord, les maisons, les cours sont plus vastes; les matériaux de construction sont le bois, l’argile, les roseaux. Les intérieurs sont extraordinairement simples, n’ayant guère d’autre luxe que des armes, des yatagans [long couteau à lame recourbée], l’orgueil et la gloire du chef de famille.
La vie est strictement régie par des lois du patriarcat. Le plus vieux est chef et sans conteste il commande à tous les membres de la famille, qui, parfois, sont au nombre de plus de cent. Son prestige est illimité. Parmi les femmes, la plus âgée mène le train de la maison; elle a sur les autres femmes et filles de la famille la même autorité que le plus âgé sur les hommes et les garçons. Avant tout et par-dessus tout, l’hospitalité est sacrée.
Les lois ne sont que des coutumes, des traditions religieusement observées, qui reposent sur le principe du talion et dont les anciens de la tribu ont la garde. Qui tue est tué par les parents du tué. Le rapt d’une femme mariée équivaut à un meurtre. Qui tue une femme perd l’honneur. Qui tue l’hôte d’une maison doit quarante fois le prix du sang. Si une fiancée prend un autre homme que son fiancé, celui-ci a le droit de tuer le père de la fille parjuré à sa promesse. […] L’Albanais aime sans bornes, il hait sans limites. S’il manque son ennemi, il tire sur le père, sur le frère et ainsi de suite. […]
Comme chez tous les peuples barbares, la femme albanaise est dans une situation très humble, tant comme épouse que comme élément social. Le fiancé achète le plus souvent sa femme. Dans les tribus du nord, il arrive souvent que l’Albanais chrétien enlève une jeune fille turque, la fait baptiser et s’unit à elle; puis l’accord se fait quelque temps après avec le musulman, son père, et généralement après l’échange de quelques balles.
Très peu ou point d’instruction chez eux.
Fouillant sur internet, on se rend compte que ce texte sur l’Albanie provient du Bulletin de la Société languedocienne de géographie, tome III (Montpellier, 1880).
Le drapeau de l’Albanie apparaît sur la page Wikipédia consacrée à ce pays.
Dans cette série, on trouve également l’Islande, le Japon, les Samoa et Java.