À bas la manie du fer à cheval !
Le 5 septembre 1882, sous le titre «La dévotion au fer à cheval», quelqu’un publie dans le bi-hebdomadaire La Gazette de Joliette un texte dénonçant le fer à cheval. Le chapelet ou le scapulaire, oui, mais pas le fer à cheval !
La confiance au fer à cheval, pour attirer les pratiques [ainsi nomme-t-on les clients alors] au magasin ou pour éloigner les malheurs, est une superstition criminelle. Le fer à cheval n’a pas n’a pas d’autre vertu naturelle que d’empêcher le cheval de glisser dans la boue ou sur la glace, et il n’est pas un signe choisi par l’Église pour opérer des effets surnaturels. Ceux donc qui se servent de cet objet pour les fins dont parle le Monde, c’est-à-dire pour éloigner des malheurs et attirer le succès, sont très coupables devant Dieu.
Il n’est pas nécessaire d’être théologien pour comprendre cela. Il suffit tout simplement de savoir son catéchisme et d’avoir du bon sens.
La Ste. Église, établie par J Christ, bénit, pour ses enfants, des objets tels que chapelets, scapulaires, médailles, images; et toutes ces choses revêtues de la bénédiction de l’Église deviennent pour nous des signes protecteurs. Dieu peut quand il le veut attacher à ces objets matériels une vertu surnaturelle, pour opérer des effets surnaturels. — Ce n’est pas une superstition que de porter ces objets bénis pour nous préserver des accidents — ils sont bénis pour cette fin.
Il n’en est pas ainsi du fer à cheval qu’on pourrait appeler la médaille de la Franc Maçonnerie — ou la médaille du diable.
Le démon, nous dit Tertulien, est le grand singe de Dieu. Il cherche non à imiter, mais à singer. Il a ses signes de convention qu’il veut mettre à la place des signes sacrés dont nous arme la religion. C’est dans des sottises semblables que les paysans mettaient leur confiance. Le sauvage infidèle porte sur lui des talismans grossiers pour avoir des chances de faire une bonne chasse. N’est-ce pas une honte de voir des chrétiens imiter en ceci les sauvages et les paysans.
La dévotion au fer à cheval fait d’immenses progrès et, du train qu’on y va, ce signe tend à remplacer celui de la croix.
Veuillez faire attention à la place d’honneur qu’on lui donne. Il est dans les salons, étalé sur les corniches et les tables, les porte plumes sur les bureaux, les cadres pour les portraits de familles, les épinglettes pour les dandys n’ont presque plus d’autre forme, on les met à toutes les sauces.
Les superstitions sont comme les modes; elles varient avec le temps, mais c’est toujours le diable qui est au fond. Il y en a des gens qui ont fait long de chemin pour se procurer un bout de corde de pendus parce qu’ils croyaient que ça portait chance.
Aujourd’hui, les potences sont rares et, comme beaucoup de monde désire faire fortune, on prend pour se rendre le sort favorable un signe plus facile à trouver. On dit qu’à la fin des temps les hommes porteront le signe de la bête. Je ne sais pas s’il sera plus bête que celui du fer à cheval.
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