Cours de journalisme
Les Pennsylvaniens ont parfois des idées qui ne viendraient pas à une mère.
Avide de progrès, en effet, l’Université de Pennsylvanie vient, paraît-il, de créer un cours de journalisme que les étudiants suivront pendant leurs deux dernières années d’études. […]
Le professeur, s’il est consciencieux, doit évidemment enseigner à ses élèves toutes les branches de cet art si varié. Les leçons seront donc graduées comme suit :
Première leçon. — Des articles de tête et de la nécessité de les faire très longs, puisqu’ils sont payés à la ligne.
Deuxième leçon. — Des échos de première page. Du soin que doit apporter le journaliste à y mélanger adroitement les réclames payées aux nouvelles intéressantes.
Troisième leçon. — Des nouvelles diverses et de l’imagination qu’il faut déployer pour savoir faire écraser un chien, dans une rue où il n’y a pas de chiens et où il ne passe jamais de voitures.
Quatrième leçon. — Des renseignements mondains. Instructions sur l’art difficile de porter l’habit noir et de saluer en société. Étude approfondie du cotillon et des modes nouvelles. (Citer des noms).
Cinquième leçon. — Du courrier des tribunaux et de l’utilité d’insister sur les causes scandaleuses, qui provoquent des abonnements afin de faire venir les abonnés.
Sixième leçon. — Du bulletin financier. Cours d’arithmétique raisonnée sur cet immortel principe : Je pose un lapin et je retiens tout.
Septième leçon. — De la critique dramatique. — Lectures scandinaves et autres.
Huitième leçon. — Du courrier des théâtres. Le canard, ses mœurs, son influence sur la littérature dramatique.
Neuvième leçon. — Du feuilleton. Théorie du tirage à la ligne ; apologie de «la suite à demain»; portraits parlés de MM. Richebourg, de Montépin et Émile Zola.
Dixième, onzième, douzième, treizième, quatorzième et quinzième leçons. — Des annonces.
Après avoir suivi ces cours pendant deux années consécutives, les élèves n’auront plus aucune raison pour ne pas se faire bookmakers.
L’Écho des Bois-Francs (Arthabaska), 18 août 1894.