Court voyage au pays du cidre
On a parfois l’impression que Charles Monselet (1825-1888), journaliste français, romancier, poète, écrivain épicurien, a traversé la vie en cherchant d’abord à y prendre plaisir. Au sujet de son œuvre littéraire, la page Wikipédia qu’on lui consacre la résume ainsi : «Instantanés littéraires, nouvelles folâtres et romans d’amour, sa bibliographie compte une quarantaine de volumes pleins de couleur, de gaieté et de naturel.»
Le 6 août 1904, l’Album universel (Montréal) propose un de ses poèmes.
Le cidre
Je veux, dans l’auberge normande,
Qu’on m’apporte le lourd pichet
Qui verse à ma lèvre gourmande
Le vieux cidre à plein gobelet !
Peu m’importe le persiflage
De plusieurs buveurs de bon ton !
J’aime ce nectar de village
Qui fait rire les Jeanneton.
Et les beaux gars à blouse bleue
D’Yvetot et des Andelys !
J’ai fait souvent plus d’une lieue
Pour en boire avec des amis
Le pommier précéda la vigne,
Le cidre est l’aïeul du clairet,
Et notre mère Eve était digne
D’ouvrir le premier cabaret.
O cidre au facile délire,
Qui désaltérais, transparent,
Basselin, dans son Val-de-Vire,
Et Guillaume le Conquérant !
C’est toi qu’à deux pas de la berge
— Les grands peupliers pour décor —
Me verse la fille d’auberge,
Toi, cidre blond ! toi, cidre d’or !
L’illustration provient du blogue de Dorian Nieto.