D’Alphonse de Lamartine (1790-1869), grand romantique
L’Hirondelle
Pourquoi me fuir passagère hirondelle ?
Viens poser ton aile auprès de moi,
Pourquoi me fuir ? c’est un cœur qui t’appelle :
Ne suis-je pas un voyageur comme toi ?
Dans ce désert le destin nous rassemble :
Va, ne crains pas d’y nicher près de moi.
Si tu gémis, nous gémirons ensemble
Ne suis-je pas isolé comme toi ?
Peut-être, hélas ! du toit qui te vit naître
Un sort cruel te chasse ainsi que moi.
Viens t’abriter au mur de ma fenêtre;
Ne suis-je pas exilé comme toi ?
As-tu besoin de laine pour ta couche
De tes petits, frissonnant près de moi ?
J’échaufferai leur duvet sous ma bouche :
Ah ! n’ai-je pas ma mère comme toi ?
Vois-tu là-bas, sur la rive de France,
Le seuil aimé qui s’ouvrit devant moi ?
Va, portes-y le rameau d’espérance
N’en suis-je pas l’hôte tout comme toi ?
Ne me plains pas…. Ah ! si la tyrannie
De mon pays ferme le seuil pour moi,
Pour retrouver la liberté bannie
N’avons-nous pas notre ciel comme toi.
Source : Le Monde illustré (Montréal), 19 juillet 1890.