Des nouvelles des Amérindiens du Québec
Les nouvelles sur les Amérindiens du Québec n’abondent pas dans la presse d’il y a un peu plus de cent ans. Aussi, précipitons-nous sur celle-ci qui provient du gouvernement fédéral responsable des affaires autochtones. L’article paraît dans La Patrie du 7 avril 1881.
Le rapport annuel du département des affaires indiennes vient d’être publié. Il démontre que la civilisation fait des progrès de plus en plus grands chez les sauvages de la province de Québec. Sur presque toutes les réserves, on remarque que le sauvage a abandonné son ancien genre de vie oisif pour se livrer à l’agriculture.
L’agent de Caughnawaga déclare dans son rapport que la pauvreté, si manifeste dans cette localité depuis nombre d’années, est presque totalement disparue. On attribue ce changement au travail constant que les hommes ont trouvé, l’été dernier, sur les trains de bois qui descendaient les rapides de Lachine et à la quantité d’articles et ornements en fausses perles que les femmes ont pu vendre depuis la reprise des affaires.
Ce sont celles-ci cependant qui contribuent pour la plus large part au soutien de la famille; elles travaillent tout le jour et souvent une grande partie de la nuit à la confection d’articles en fausses perles qu’elles échangent, la plupart du temps, chez les marchands de la ville pour des provisions de toutes espèces.
Les difficultés qu’éprouve le sauvage à se procurer les moyens d’ensemencer ses terres au printemps met des entraves sérieuses à ses progrès en agriculture. Il ne peut obtenir de graines de la paroisse voisine, parce qu’il a commis l’imprudence de dire publiquement que la loi exemptait le sauvage de payer ses dettes.
À part quelques enfants qui vont à l’école régulièrement, les classes ne paraissent pas fréquentées par un grand nombre. La plupart des écoliers sont loin d’être d’une assiduité exemplaire et leur éducation en souffre.
Pendant l’année 1880, le chiffre des décès a dépassé celui des naissances. Ceci est dû aux ravages causés par la fièvre et la rougeole chez les enfants.
Le rapport de l’agent d’Oka démontre que les sauvages de cette localité font de plus grands progrès que ceux des autres réserves. Un grand nombre de nouvelles habitations ont été construites et plusieurs anciennes réparées. On se plaint que des gens malintentionnés causent continuellement des dommages à la propriété des sauvages d’Oka. Une nouvelle école a été fondée vu que le nombre de personnes désireuses de s’instruire devenait de plus en plus considérable.
Les sauvages de St Régis sont très industrieux; ils s’occupent principalement à amasser des écorces pour les tanneurs et à confectionner des paniers qu’ils envoient à la ville. Ils en ont une grande quantité prête à être expédiée dès l’ouverture de la navigation. Les écoles, malheureusement, ne sont pas fréquentées comme elles devraient l’être. Les enfants et les jeunes gens n’y vont pas assez longtemps pour en bénéficier d’une manière appréciable.
Les sauvages du village Abénakis, de l’agence Viger et du lac St-Jean ne se sont pas encore livrés à la culture de la terre sur une aussi grande échelle que leurs frères des cantons situés à proximité des villes. Ils consacrent la plus grande partie de leur temps à la chasse et à la pêche. On constate cependant un changement favorable dans leurs habitudes, bien que, chez eux, les écoles n’existent que de nom.
Le rapport de la mission de Restigouche indique que les sauvages de cette localité, qui appartiennent à la tribu des micmacs, se livrent beaucoup plus à l’agriculture maintenant qu’autrefois. Ce changement dans leurs anciennes habitudes a été occasionné par la disparition rapide du gibier et du poisson. Pendant l’été, les trafiquants de liqueurs causaient la ruine des familles, mais les chefs ont défendu la vente des liqueurs sur les réserves et l’on espère que le mal ne fera plus de ravages.
À Maniwaki, la population, décimée par la grande vérole, n’est plus ce qu’elle était autrefois. Les sauvages de cet endroit sont laborieux et cultivent la terre. Le commerce des liqueurs fortes, cependant, met beaucoup d’entraves à la prospérité de la colonie. En conséquences des ravages de la petite vérole, le nombre des enfants qui fréquentent l’école est peu considérable.
À Notre-Dame Bethsiamits, les sauvages sont bien en arrière de leurs frères des autres localités. La civilisation a fait peu de progrès chez eux. Ils vivent encore dans des wigwams, font la chasse et la pêche, et dorment pendant le temps qui leur reste. Les femmes, au contraire, sont chargées de l’ouvrage le plus fatigant et travaillent sans relâche du matin au soir. Il se consomme une quantité considérable de liqueurs à cet endroit, et il en résulte de nombreuses querelles.
Le nombre total des sauvages dans la province est de 11,006. On compte sur ce chiffre 1,462 iroquois établis à Caughnawaga, 1,037 de la même tribu à St Régis, et 2,800 Naskapees dispersés dans les comtés du bas du fleuve. Le reste se compose de descendants de toutes les anciennes tribus.
La photographie de ce qu’on dit être le village des Sauvages de St Thomas Pierreville prise vers 1880 provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Jonathan Würtele, cote P279, S1. Cela dit, il faut que ce soit le village d’Odanak, la mission abénaquise Saint-François-de-Sales, situé près de Saint-Thomas-de-Pierreville.
130 ans plus tard, bien des choses ont changé pour les autochtones, mais il reste TANT à faire pour reconnaître (et accepter !) entièrement leurs racines et traditions, leur mode de vie, leur schème de pensée… Impossible de faire marche arrière et d’effacer les erreurs du passé… La route est longue avant qu’ils aient une place équitable dans nos sociétés…
C’est certain qu’il leur faut une place semblable à la nôtre, chère Esther.