Une nuit brûlante
Une nuit à se reposer enfin de tout. Une nuit à se perdre aussi.
Dans le temps des Fêtes, averti par le journal Le Monde (Paris) qui proposait une revue des meilleurs livres de poche de l’année, je me suis procuré le petit livre Nuits antiques, une anthologie de textes réunis et présentés par Virginie Leroux.
Des textes d’il y a 2000 ans regroupés sous quatre thèmes : la nuit des savants, celle des noctambules, le royaume de l’ombre et la nuit magique. Voilà que, des pages 79 à 95, on y va de textes sur des nuits érotiques. Parmi eux, un texte brûlant du poète latin Properce, qui vécut au premier siècle avant J.-C.
Ô mon bonheur ! Ô nuit pour moi brillante ! Et toi, ô petit lit heureux de mes plaisirs ! Combien de paroles avons-nous dites sous la lampe, et quelle bataille ce fut, la lumière enlevée ! Car tantôt elle luttait avec moi les seins nus, tantôt sa tunique fermée elle créait un retard.
Elle me fit ouvrir de sa bouche des yeux qui vacillaient de sommeil et dit : « Est-ce ainsi, paresseux, que tu restes inerte ? » Avec quelle variété d’embrassements nous bougeâmes nos bras ! combien mes baisers s’attardaient sur tes lèvres ! Il me déplaît de perdre l’amour en mouvements aveugles : si tu ne le sais pas, les yeux sont des guides en amour.
On dit que Pâris périt d’amour pour la Laconienne un jour qu’elle sortit nue du lit de Ménélas. On dit qu’Endymion était nu quand il conquit la sœur de Phébus et que, nu, il fit l’amour avec elle. Si tu t’entêtes à coucher vêtue, ton vêtement déchiré, tu sentiras mes mains; bien plus, si la colère m’entraîne plus loin, tu montreras à ta mère des bras meurtris.
Tu n’as pas encore des mamelles pendantes pour te priver des jeux de l’amour; c’est bon pour celle qui aura honte d’avoir enfanté. Tant que les destins le permettent, rassasions nos yeux d’amour.
Voici que vient la longue nuit et le jour ne reviendra pas. Et puisses-tu vouloir nous lier, attachés l’un à l’autre, d’une chaîne si bien qu’aucun jour ne la romprait jamais ! Prends exemple sur les colombes, jointes l’une à l’autre en amour, où mâle et femelle ne sont qu’union.
Il se trompe celui qui cherche les limites d’un amour fou : le véritable amour ne sait avoir de mesure […] Si elle voulait m’accorder quelquefois de telles nuits, une seule année serait comme une longue vie. Si elle m’en donnait beaucoup, je serais immortel dans ces nuits : par une seule nuit n’importe qui peut devenir un dieu.
Élégies, II, 15, 1-40.
Trop vite j’étais passée sur cette publication, sans y porter vraiment attention… Décidément, cette littérature antique n’a rien à envier à celle d’aujourd’hui… Mais alors là, vraiment rien… Ah !… Rêver de ces choses si bellement exprimées…
C’est franchement étonnant.
Quand on omet de cliquer sur « lire la suite », voilà ce qui risque d’arriver… :-)
Il faut absolument lire la suite, Esther. Tout le brûlant est dans la suite !!! Ça donne même à rêver, je trouve. Et cette dernière phrase — par une seule nuit, n’importe qui peut devenir un dieu : Wow ! Ça donne envie de vérifier.
(Éclat de rire tonitruant !)