La mort d’une fête
Vous pourrez dire à vos petits-enfants que vous avez été témoin de la disparition d’une fête de votre vivant. La Sainte-Catherine (le 25 novembre) apparaît dans notre histoire comme une fête originale que s’étaient donnée les Québécois. Si vous gagnez cet article, vous constaterez sa popularité en 1900. À ce moment, on commence tout de même à percevoir une certaine désaffection. L’Écho des Bois-Francs écrit le 19 novembre 1898 : «C’est vendredi prochain, le 25 novembre, le jour de la Ste-Catherine. Cette fête que nos compatriotes ont consacrée dès les premiers temps de la colonie, semble disparaître en certains endroits. C’est un malheur, car nous devrions avoir à cœur de conserver précieusement, en les renouvelant, ces belles fêtes canadiennes françaises. Ces traditions raffermissent l’union et pénètrent davantage le sentiment national, un peu trop endormi chez plusieurs d’entre nous. D’ailleurs, il n’y a rien comme ces petites réunions pour cimenter les liens de l’amitié; on y oublie les rancunes et les plaisirs que l’on prend ensemble sous le même toit créent des obligations réciproques qui aplanissent bien des difficultés. Fêtons la Ste-Catherine; que la bonne tire à la mode ancienne bouille à gros bouillons.»
Aujourd’hui, en 2013, cette fête ne tient plus que par la ganse. Et encore. Il y a deux ou trois ans, je cherchais de la tire Saint-Catherine dans les grands magasins d’alimentation. À ma grande surprise, on n’en produisait plus pour la vente. Bien plus, les jeunes préposées à qui je m’adressais dans ces magasins ignoraient même la signification du mot.
«Coiffer Sainte-Catherine» est une autre expression liée à cette fête aujourd’hui envolée. Remettons-nous en donc à ce sujet au quotidien de Québec, Le Canadien, du 26 novembre 1888, qui nous dit tout.
Coiffer Sainte-Catherine est une locution populaire très usitée pour dire : rester vieille fille, atteindre l’âge de vingt-cinq ans, selon les uns, de trente, selon les autres.
Cette locution semble avoir plusieurs origines.
C’était autrefois l’usage, dans quelques provinces, le jour où une jeune fille se mariait, de confier à une de ses amies qui désirait bientôt faire comme elle le soin d’arranger la coiffure nuptiale, dans l’idée superstitieuse que cet emploi, portant toujours bonheur, celle qui le remplissait ne pouvait manquer d’avoir à son tour un époux dans un temps peu éloigné. On trouve encore, dans certains villages, plus d’une jeune fille qui, dans sa superstition naïve, prend des mesures pour attacher la première une épingle au bonnet d’une fiancée.
Or, comme cet usage n’a jamais pu être observé à l’égard d’aucune des saintes connues et béatifiées sous le nom de Catherine, puisque, suivant la légende, toutes sont mortes vierges, on a pris là occasion de dire qu’une vieille fille reste pour coiffer sainte Catherine, ce qui signifie qu’il n’y a chance pour elle d’entrer en ménage qu’autant qu’elle aura fait la toilette de noces de cette sainte, condition improbable à remplir.
Une autre explication de la locution en question est fondée sur l’ancienne coutume de coiffer les statues des saintes dans les églises.
Comme on ne choisissait que des filles pour rendre ce soin à sainte Catherine, la patronne des demoiselles, il fut très naturel de considérer ce ministère comme une espèce de dévolu pour celles qui vieillissaient sans espoir de mariage, après avoir vu toutes ses compagnes se marier.
On peut choisir entre les deux versions.
Voir ce récit bien vivant d’une soirée de Sainte-Catherine en 1853, baguette d’un nom !
Ci-haut, le bol de tire Sainte-Catherine est celui que j’ai apporté à notre rencontre de samedi après-midi dans le faubourg Saint-Jean. On l’aperçoit sur la photographie suivante, disposée en majeure, à ma gauche, sur la table.
Voilà ce qui arrive quand une fête ne trouve pas de « niche commerciale ». La question fondamentale : Est-ce la mort de la Sainte-Catherine qui a fait disparaître la tire? Ou est-ce la disparition de la tire qui a fait mourir la Sainte-Catherine? Toujours est-il qu’on a aussi rangé la notion de « vielle fille » au rayon des objets perdus.
Faudrait que la Catherine soit renippée : Comme la Slotche, on pourrait produire une tire aux saveurs et couleurs diverses, ou encore qu’Apple lance une nouvelle ligne la « iTire».
Reste aussi, Jean, la possibilité de mettre sur pied la « Revangeance de la Sainte-Catherine »… Je t’en laisse la présidence ! ! !