L’aqueduc de Montréal
Le 15 juillet 1905, un personnage du nom d’A. Généreux fait le point sur l’aqueduc de Montréal dans L’Album universel. Au fil des ans, l’approvisionnement en eau de Montréal fut un constant travail. L’auteur y revient.
Nous voici à l’époque des plus grandes chaleurs de l’année, c’est donc le moment où, dans une ville aussi grande que Montréal, il se dépense une très grande quantité d’eau. Outre que la consommation du liquide naturel par excellence augmente sur nos tables, il ne faut pas oublier que l’arrosage des rues, les bains publics et particuliers, le service de la voirie requièrent eux aussi plus d’eau, pendant les mois d’été. Et c’est un problème assez ardu que de donner alors un bon service hydraulique dans une ville de centaines de mille âmes. […]
La population de Montréal, qui en 1903 était de 266,460 âmes, sans compter les grandes banlieues qui font pour ainsi dire partie de la métropole, à laquelle on compte bientôt les annexer; avec cette addition de population, le chiffre ci-dessus serait porté (toujours pour l’époque signalé) à 350,000 âmes. C’est déjà beaucoup et le problème d’abreuver tant de gens et de leur fournir l’eau qu’ils requièrent n’est pas une mince affaire.
À Montréal, le service hydraulique de l’aqueduc est sous le contrôle de la municipalité, excepté pour le quartier Saint-Denis. La métropole est maîtresse de l’aqueduc, fournit l’eau nécessaire aux citoyens, et c’est elle qui impose et fixe les taux de payement.
Quant au quartier Saint-Denis et aux banlieues, ils sont servis par une compagnie privée, la «Montreal Water and Power Company».
Ainsi qu’il en a été dans toutes les villes américaines, les débuts de l’aqueduc furent fort modestes à Montréal. Vers 1800, l’eau des sources de la montagne (Mont-Royal) fut distribuée par les rues de la ville dans une canalisation de bois, très primitive.
En 1815, eut lieu la première amélioration; alors l’eau fut pompée dans le fleuve et versée dans des réservoirs d’une capacité de 240,000 gallons impériaux. Mais ce ne fut qu’en 1845 que la ville a acheté de particuliers le système de l’aqueduc urbain. Dès que la compagnie cessionnaire eut eu cédé tous ses droits, les échevins de l’époque, s’inspirant d’idées de progrès, firent construire un réservoir pouvant contenir 3,000,000 de gallons impériaux. Ce réservoir était situé à la Côte à Baron. Plus tard, comme on le verra, de nouveaux besoins le firent abandonner et actuellement ce réservoir, enjolivé, est devenu le bassin public du square St-Louis.
Or, peu après cette installation, considérable si l’on tient compte du millésime de l’année où elle fut pratiquée, cette installation, disons-nous, fut jusqu’ici insuffisante. On se rendit compte, en effet, qu’il n’était plus possible de servir à la population l’eau polluée de la rivière. En 1847, on proposa donc de capter l’eau aux rapides de Lachine, en amont de la ville, et de se servir de la force hydraulique des rapides pour manœuvrer les pompes devant amener l’eau dans les réservoirs de la dite ville. Cependant, ce ne fut qu’en 1853 que ce projet reçut une considération sérieuse. Cette année-là, M. T. C. Keefer, I. C., reçut l’ordre de faire les plans d’un réservoir pouvant contenir 5,000,000 de gallons impérieux. Cela devait donner 40 gallons par tête, pour une population de 120,000 habitants, c’est-à-dire double de celle qu’avait alors Montréal.
L’exécution du projet dont nous parlons ne fut réalisée qu’en 1854. Qu’il suffise de dire que la force hydraulique fut employée pour manœuvrer 6 pompes qui envoyaient l’eau dans un réservoir situé sur le flanc du Mont-Royal, le long de la rue MacTavish. Ce même réservoir, agrandi, est encore employé comme réservoir de niveau inférieur. En 1854, le réservoir dont il s’agit avait une capacité de 15,000,000 de gallons impériaux. Cette installation devait convenir pendant quelque temps, même pour une population double de celle du Montréal d’alors; bientôt, toutefois, elle devait devenir insuffisante.
Depuis, en effet, la population de Montréal a quintuplé, et des habitations ont été construites plus haut que le réservoir MacTavish, celui-ci ne pouvait donc plus répondre en totalité aux besoins des Montréalais. Cela nécessita la construction du réservoir de niveau supérieur, actuel, qui se trouve à mi-hauteur de la montagne (Mont-Royal), ainsi que celle d’une bâtisse où des pompes envoient l’eau du réservoir inférieur au réservoir supérieur, c’est-à-dire à 422 pieds au-dessus de l’eau du port. […]
En 1878, le réservoir MacTavish, devenu trop petit, fut agrandi, pour contenir 37,000,000 de gallons impériaux.
En 1889, la population avait augmenté tellement que, pour lui donner assez d’eau, on dut acheter une nouvelle pompe pouvant fournir 2,500,000 gallons impériaux. Or, la population augmente sans cesse, et les problèmes du service hydraulique de la métropole, en raison directe, bien entendu.
Enfin, des améliorations successives, apportées au service de l’aqueduc, lui permettent de donner actuellement (1903) 24,000,000 de gallons impériaux. Mais la question d’augmenter la puissance des machines motrices est de nouveau à l’ordre du jour.
L’image du réservoir McTavish, sur le Mont-Royal, fut publiée dans L’Album universel du 15 juillet 1905. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Aqueducs».