Pubnico, un village acadien
En 1874, L.-H. Tremblay et son ami visitent le village de Pubnico, tout au fond d’une baie, sur la côte ouest de la Nouvelle-Écosse. Vingt ans plus tard, dans Le Monde illustré du 31 mars 1894, Tremblay se remémore ces heures passées au sein d’une population protégée des problèmes du monde, dirait-on.
Le village de Pubnico, lequel (si nous nous rappelons bien) comptait, au temps de notre visite, quelque peu moins de deux cents familles, est situé sur les bords d’une petite baie de la forme d’un triangle irrégulier dont les deux côtés inégaux représenteraient les deux rives opposées, et la base, la pleine mer. Cette baie, havre ou bassin, est désignée sur les cartes sous le nom de Pubnico Basin.
La population y est entièrement d’origine acadienne-française, et jusqu’à ce jour aucune famille de nationalité étrangère n’a tenté de s’y établir. Les premières familles françaises venues à Pubnico, au retour des Acadiens (et parmi lesquelles étaient les d’Entremont, les Surette, les Pothier dont parle M. Rameau [sans doute dans son ouvrage Acadiens et Canadiens]) se sont emparé du sol, et leurs descendants s’y maintiennent encore aujourd’hui.
La terre, composée en partie de sol calcaire, y est très productive et favorable à toute espèce de moissons. Le blé, l’orge, l’avoine y viennent à maturité aussi à bonne heure que dans la province de Québec. Mais l’agriculture y est défectueuse, et l’art de cultiver la terre y est tombé en désuétude. C’est que les Acadiens de Pubnico, de même que leurs frères d’Arichat, familiarisés de bonne heure avec les périls de la mer et accoutumés dès l’enfance à manier une embarcation de pêche, préféreront naviguer et exploiter les pêcheries inépuisables de ces parages que de cultiver la terre.
Néanmoins, malgré ce déficit, la généralité des gens (tous, nous devrions plutôt dire) y vivent dans l’aisance et avec beaucoup plus de confort que bien des familles agricoles en Canada, la pêche suppléant à tous leurs besoins par la vente qu’ils font de ses produits. Durant la saison d’été, la majeure partie des hommes sont engagés à la pêche, pendant qu’un assez grand nombre s’emploient comme marins sur les vaisseaux qu’ils construisent eux-mêmes, et que l’on navigue sur les grandes eaux. […] Le jardinage et tout ce qui se rattache au soin de faire fructifier la terre tombe à la part des femmes et des enfants durant l’absence des hommes. […]
À Pubnico, et autres localités françaises que nous avons visitées en 1874, l’éducation n’avait fait encore que peu de progrès alors, et l’instruction primaire y semblait être plutôt une œuvre de routine qu’un système suivi ou régulier. Pubnico possédait bien deux maisons d’école à la date dont nous parlons; mais elles étaient toutes deux fermées lors de notre visite. Cela est dû à la difficulté que l’on éprouvait alors à se procurer des instituteurs possédant les deux langues, dont la connaissance est indispensable dans ces parages. […]
Nous avons trouvé à Pubnico des gens isolés du grand monde; contents du sort que le Providence leur a fait. Et vivant dans une honnête aisance du fruit de leur travail et de leur industrie. […] La jeunesse y grandit loin du tumulte et de la corruption des grandes villes, et la vieillesse, courbée sous le poids des années, y coule en paix ses derniers jours. […]
Il y a bientôt vingt années révolues depuis que nous sommes passés à Pubnico, et malgré ce laps de temps nous gardons encore en douce souvenance et la montagne et la baie, le charmant village et les jours de bonheur que nous y avons passés. Et si aujourd’hui nous avions des vœux à formuler, un désir à exprimer, ce serait que, lorsque nous aurons cessé de vivre, tout ce qui restera de nous sur la terre puisse reposer sur le côté oriental du havre de Pubnico, et sous les saules pleureurs qui croissent et fleurissent à l’ombre de l’humble chapelle du village.
On trouvera ici le site du Musée des Acadiens des Pubnicos et du centre de recherche.
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Aujourd’hui, le 26 août 2016, je vois que vous êtes un grand nombre à découvrir en ce moment ce si beau texte sur Pubnico. Moi-même, je l’avais tant aimé. Merci beaucoup de votre présence et merci de vous le passer. Vous savez, les ancêtres de ma grand-mère paternelle, Rose Breault, étaient de Port-Royal, en Acadie.
Bonne route à Vous. Salutations cordiales.