Le meilleur moment des amours
Dépouillant la presse en pays profond, pays que j’aime beaucoup, quelle joie quand même de trouver soudain une pareille fleur sur son chemin !
Échappée comme cela en première page de L’Écho des Bois-Francs du 12 février 1898, entre l’annonce d’une grande vente chez J. B. Ouellet, à Arthabaskaville et un triste incendie qui fait trois morts à Saint-Germain-de-Grantham.
Un texte du poète français Sully Prudhomme (1839-1907), premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901.
Le meilleur moment des amours
Le meilleur moment des amours
N’est pas quand on dit : «Je t’aime !»
Il est dans le silence même
À demi rompu tous les jours.
Il est dans les intelligences
Promptes et furtives des cœurs;
Il est dans les feintes rigueurs
Et les secrètes indulgences.
Il est dans le frisson du bras
Où se pose la main qui tremble,
Dans la page qu’on tourne ensemble
Et que pourtant on ne lit pas.
Heure unique où la bouche close
Par sa pudeur seule en dit tant;
Où le cœur s’ouvre en éclatant,
Tout bas, comme un bouton de rose;
Où le parfum seul des cheveux
Paraît une faveur conquise !
Heure de la tendresse exquise
Où les respects sont des aveux !