Seul, et grippé en plus
Le chroniqueur Z. P., dans L’Étoile du Nord du 12 janvier 1894, est maussade. Il chique de la guenille.
Le fait est que le mois de janvier nous traite comme des enfants qu’il veut corriger. Il nous sert un temps des plus variables : froid, doux, neigeux. Il se fait terrible, mignon, sournois, cruel. […]
Je vous disais donc que le temps était variable, cruel, etc. C’est vrai. Hier, il faisait beau, beau. Aujourd’hui, le vent fait rage et la neige tourbillonne. Dehors, on ne voit partout que la nappe immaculée qui s’étend à perte du regard. Bah ! à voir ainsi la nature morte, la solitude (si solitude il y a) nous semble moins à charge. Si nous sommes seuls, nous n’avons qu’à regarder tomber la neige : ce n’est pas bien intéressant, mais quand vous serez lassé de cela, prenez un dictionnaire, ouvrez-le, et cherchez le mot : solitude.
Voici la définition qu’on nous donne : solitude, état d’une personne seule. Avouez que c’est court, très court. Pas un commentaire, pas un développement, pas une distinction. Il n’en faut peut-être pas de commentaires et l’auteur a sans doute pensé que c’était inutile d’en mettre, car tous doivent savoir que la solitude n’est pas le supplice le moins odieux de l’existence. N’allez pas croire que la plus cruelle solitude est celle des chartreux dans leur cellule de cinq pieds carrés; ni même celle des trappistes dans le petit jardinet où ils creusent leur fosse mortuaire en échangeant des paroles encourageantes; mais c’est plutôt notre solitude à nous, à nous qui avons vingt ans et des idées plein les mains. Heureusement, nous avons la possibilité d’en faire parvenir quelques-unes à nos lecteurs et amis, et nous sommes bien chanceux encore de ne pas nous trouver seuls pour rire, pour pleurer, pour nous mettre en colère !
* * *
Avez-vous été grippés, lecteurs ? Oui, sans doute. Eh bien, moi aussi. Et grippé pour de bon, je vous assure, avec un mal de gorge, un rhume et un abattement des plus tenace.
Hier, je rencontrais le bonhomme R.
— Tu es grippé, Z. P. ?
— Oui, un peu, et vous ?
— Moi, moi, grippé, je suis trop vieux mon cher, c’est bon pour des jeunes comme vous autres !
Et fier de sa riposte, la brave père R…. tourna les talons en lançant dans les airs une traînée de rires sonores. Cependant, je ne me suis pas fâché, ………………. personne ne s’en étonnera, sans doute !!
Sur ce, je me sauve, lecteurs, quand on a la grippe, la main nous tombe et… c’est déjà assez long pour un malade !
L’image ci-haut, comme d’autres que j’ai en ma possession, a une certaine histoire. Durant les années 1970, une employée du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche me téléphone. Je n’ai pas retenu son nom, malheureusement. « Vous ne me connaissez pas. Je sais que vous êtes historien. Nous mettrons sous peu au rebut un certain nombre de photographies noir et blanc, de format 8’’ X 10‘’, qui ne nous seront plus utiles. Si la chose vous intéresse, passez les chercher. » Bien sûr, j’ai accouru.
Cette photographie, prise il y a donc une quarantaine d’années, faisait partie du lot. À l’endos, on retrouve le texte suivant : «L’hiver venu, la campagne québécoise se transforme. La neige omniprésente donne du relief aux teintes les plus ternes. Cette ferme de Fraserville (Rivière-du-Loup) rappelle étrangement les toiles de Jean-Paul Lemieux, artiste québécois de grand renom. Office du film du Québec. M-9-C-29-(1) 70.» Voilà, c’est ainsi que la chatte se peigne.
J’aime beaucoup cette photo : elle n’a rien à envier à la couleur.
Merci de nous la donner à voir.
Christiane L.
Merci beaucoup, chère Christiane.