Et quelle belle surprise tout au fond de ma mare asséchée !
Je sais. Uniquement à l’image, vous viennent des craintes fort anciennes, qui remontent au temps des cavernes, ou encore des haut-le-cœur.
Et à vous, qui fréquentiez les églises, rappelez-vous la statuaire où, souvent, au moins une pièce nous montrait un serpent sous le pied d’un élu ou d’une élue résidant maintenant en paradis. Nos reptiles ont personnifié Satan, les pauvres. Vos peurs viennent de bien loin.
D’abord, aucun de nos reptiles au Québec n’est dangereux. Par ailleurs, jamais cette petite bête n’a fait de mal à des animaux à sang chaud, dont nous sommes.
Le reste n’est que pure invention qu’on est parvenue à vous mettre dans le ciboulot.
Je suis très heureux de l’apercevoir, de me trouver au bon moment au bon endroit pour ce petit animal à sang froid, car nos reptiles au Québec ne plastronnent pas. Et voyez-lui le sourire. Y a-t-il plus heureuse qu’elle avec ses yeux rouges ! Et, manifestement, sa rondeur nous dit qu’elle arrive à bien se nourrir.
Il s’agit de la Couleuvre rayée (Thamnophis sirtalis, Common Garter Snake). Nous avons bien passé, elle et moi, dix minutes immobiles. Mais, lorsque je lui ai confié, même à voix douce, qu’elle était fort belle, elle a remballé, tourné les talons. Au point où je me suis dit qu’elle pouvait entendre, percevoir les sons, capable de se raviser devant un chanteur de pomme.
Le frère Alexandre, du collège Mont-Louis, à Montréal, dans son « tract » sur les couleuvres du Québec, écrit que celle-ci est la plus commune. « On la trouve un peu partout : sur le bord des ruisseaux, à la lisière des bois, près des marais. C’est la plus prolifique des Couleuvres ; elle peut avoir jusqu’à cinquante petits à la fois. Elle se nourrit de grenouilles, de salamandres, de vers, qu’elle avale vivants » [Frère Alexandre, « Les couleuvres du Québec », tract no. 26, Bibliothèque des jeunes naturalistes, Tracts nos 1-50, Montréal, Société canadienne d’histoire naturelle, Jardin botanique de Montréal, 1943, p. 109.]
L’année dernière, j’en avais aperçu une semblable, le 14 juillet. Et elle aussi fut fort attentive, me regardant calmement pendant de longs moments.
La présence de reptiles et de batraciens dans un milieu est un gage de santé de ce milieu, non contaminé par les herbicides et les pesticides.