Au début de mai, voilà l’heure de la pêche à la ligne

Plus aucune place de libre sur les quais de Montréal. Mais on se demande qui sont les poissons.

On pêche en tout temps, mais la meilleure saison pour la pêche à la ligne s’ouvre avec le mois de mai.

Aussi, il fallait voir les quais, hier. Pas moins de quatre à cinq cents pêcheurs étaient là, solidement assis ou nonchalamment étendus sous le grand soleil qui avait des rayons d’été.

Les lignes jalouses les unes des autres se touchaient presque, toutes tendues avec une extrême anxiété et chargées de promesses traîtresses pour les poissons naïfs.

Longtemps, les pêcheurs ne virent pas autre chose que leurs bouchons de liège qui dansaient sur les vagues. Mais rien ne venait.

Ils tiraient les lignes pour se délasser et constater avec désespoir que les vers luisaient toujours intacts. C’était sinistre.

Quelques-uns des pêcheurs s’oublièrent jusqu’à suivre des yeux les grands oiseaux, mouettes ou goélands qui planaient dans le ciel, ; les méditatifs se livrèrent à la douce rêverie qu’invite le spectacle du grand fleuve ; il y en eut même qui causèrent du beau temps avec leurs voisins.

Bredouille ! Tout le monde revint bredouille, y compris les moins scrupuleux, ceux qui se sont servi d’épuisettes (filets de pêche montés sur des cerceaux et fixés à l’extrémité d’un long manche) malgré la loi.

On attribue l’insuccès des pêcheurs à la crue subite qui s’est produite, hier. Le niveau de l’eau a monté de trois pieds en quelques heures, par suite des débâcles récentes dans les principaux affluents de l’Outaouais.

De plus, l’eau est très sale, comme chacun peut le constater dans sa propre maison en ouvrant le robinet de l’aqueduc.

À l’occasion du retour de la saison de pêche, nous rappellerons à nos lecteurs que la pêche à la ligne (canne et ligne) seule est autorisée dans les rivières et les lacs publics. Pour toute autre espèce de pêche, il faut un permis. […]

La Patrie (Montréal), 4 mai 1908.