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Un jour, un quidam du nom de Théophile Dufour décide d’un hommage à l’enfant

Charles Emmanuel Talbot et son chien

Pourquoi ne pas confier ce texte au journal qu’il lit ?

J’ai vu quelquefois dans les champs le jeune enfant auprès du laboureur — fraîche fleur à côté d’un blé mûr ; l’enfant suit à petits pas le pénible sillon ; il s’arrête un moment.

Il cueille une herbe, il jette, comme l’oiseau, quelques notes en l’air — gai ramage du cœur — reprend sa marche au plus vite ; le père, courbé sur sa charrue, se retourne de temps en temps pour s’assurer que l’enfant est là ; il l’appelle, il le regarde avec tendresse, et lui sourit dès qu’il approche.

« À quoi, me disais-je, tout ce badinage ? L’enfant n’est qu’un embarras ou une distraction pour le travailleur ? » Ignorant que j’étais ! c’est une force secrète, au contraire, un courage, un espoir, un renouvellement continu : au fond de ce sol qu’il creuse, le laboureur voit bien plus qu’un grain prêt à germer, il voit cet enfant.

C’est là son vivant épi, sa riche et riante moisson : Oh ! que d’échanges touchants et de doux mystères entre ces deux êtres ! ce front trempé de sueur, l’enfant l’essuie, ces bras fatigués, il les délasse, — cette âme appesantie, il la réveille, il la remplit de parfum et d’amour. Tandis que l’homme ouvre un sillon sur la terre, l’enfant, à son insu, en ouvre un dans les cieux ; il y a d’infinies perspectives et toute une éternité dans l’enfant, messager divin, arrivé d’hier, il nous révèle l’avenir et la vie même, pour ainsi dire : avec lui, le cœur est jeune et refleurit sans cesse.

Théophile Dufour.

 

La Presse (Montréal), 17 mars 1900.

Charles-Emmanuel Talbot est le fils de feu Charles et d’Emma Talbot.

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