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La plante prête à tout pour ne pas être oubliée

Elle est si peu connue que même les petites gens ne lui ont pas donné de nom vernaculaire autrement que Bouquets rouges. Pour bien faire sa connaissance, il faudrait parcourir la part boréale de tout l’hémisphère nord sur la Terre, là surtout où il y eut de grands feux de forêt. Car, après les incendies, le voilà surgissant. Le botaniste et ethnologue l’appelle alors herbe-à-feu [Rousseau : 205].

Il s’agit de l’Épilobe à feuilles étroites (Epilobium Angustifolium), appelée Épilobe en épi ou Laurier Saint-Antoine chez les Européens recourant à la langue française. Tellement présente en Sibérie, il fut déjà proposé comme fleur nationale de la Russie [Marie-Victorin : 370].

Mais que fait-il donc chez moi, si loin des terres brûlées ? Une amie, qui m’est chère et m’a apporté beaucoup de plantes, me dit que celle-ci n’est pas d’elle, qu’une « belle des champs » l’y a déposée.

Chose certaine, dans son petit espace, il plaît par ses transformations si originales au cours d’une même année et la variété d’insectes qui le visitent en juillet et août. Il est même la plante-hôte du papillon tout noir à taches blanches, l’Alypie de Langton (Alypia langtoni). Ce petit aime justement fréquenter les endroits humides, les marécages, les tourbières et les lieux ouverts et souvent sablonneux où pousse l’épilobe [Handfield : 445].

Aux premiers jours de septembre, voilà l’épilobe qui s’emballe. Il s’apprête à confier au vent le soin de ses graines. Mais il semble vivre un déchirement, et il lui faudra presque tout l’automne pour faire cadeau de sa production, traversant bien des manières d’être. Tiraillements. Enchevêtrement désordonné, incohérence sans fin. Cession fort lente.

Enfin, début décembre, tout est joué.

Le voici ici, de ses toutes premières fleurs lors des derniers jours de juin jusqu’à ne plus être qu’un souvenir, à l’allure d’un petit cheval de mer, dans un pays de bout du monde en noir et blanc.

 

Handfield, Louis, Le Guide des papillons du Québec, Saint-Constant, Broquet, 2011.

Marie-Victorin, Frère, Flore laurentienne, Éditions des Presses de l’Université de Montréal, 1964.

Rouseau, Jacques, « Pour une esquisse biogéographique du Saint-Laurent », Cahiers de géographie de Québec (Québec, Presses de l’université Laval), no 23 (septembre 1967), p. 181-241.

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