Et, pendant ce temps, sans aucune forme de souci pour ce qui se passe à l’autre bout du monde, le Pic mineur mâle a la tête bien ailleurs
Dans son ouvrage La Part sauvage du monde (Paris, Éditions du Seuil, 2018), p. 204s., Virginie Maris, citant Jacob von Uexküll, le père de l’éthologie en 1934, écrit :
Chaque être vivant, quelle que soit son espèce, vit dans un milieu qui lui est propre, qu’il construit et investit de sens et de représentations. La nature se démultiplie. Non seulement elle n’est plus la simple toile de fond uniforme des activités humaines, seuls agents véritables, mais elle se fragmente en une multitude de « mondes pour » et en autant de perspectives singulières. Alors que le monde-pour-l’ours, s’étalant sur des centaines de kilomètres, est fait de rivières, de poissons, de sentiers, de plantes et de cavernes, celui de la tique est fait de branches, de poils, de peau et de sang. C’est pour elle un monde tout aussi complet que le monde-pour-l’ours l’est pour l’ours.
Ce Pic mineur est bien dans son monde qui lui est propre, le « monde-pour-Pic mineur », aussi riche à ses yeux que le mien l’est aux miens, et investi de sens et de représentations. Plus petit, cet oiseau n’est pas moins respectable et ajoute, lui aussi, à la diversité de la vie.