« Immortelle »
Je songe à vous, mon âme, en passant près des tombes :
Vous la beauté de vivre et l’orgueil de fleurir,
Déesse à qui l’Hellade eût offert ses colombes.
Et je ne comprends pas que vous puissiez mourir.
Vous êtes la splendeur totale de la vie,
La vertu des matins et le calme des soirs,
Et vos doigts fins, sous qui notre âme est asservie,
Répandent du parfum comme les encensoirs.
Mère de l’harmonie, aucun chant de fauvettes
N’est comparable à la musique de vos pas ;
Vos gestes sont des fleurs, vos rires sont des fêtes,
Et vous versez l’amour que vous n’éprouvez pas.
Vous rendez, bienfaisante aux esprits comme aux choses,
La fraîcheur de naguère et l’espoir de jadis ;
Vous savez rajeunir les esprits et les roses,
Et c’est auprès de vous qu’on vénère les lis.
Vous faites du printemps quand votre robe est neuve,
Vous faites de l’été lorsque vos yeux sont doux.
Et je ne comprends pas comment la terre veuve,
Quand vous n’y serez plus, pourra vivre sans vous.
La Patrie, 14 mars 1908.