Retour sur l’acte de connaître chez les plantes
Hier, nous évoquions ce sujet à partir d’un numéro du mensuel français Science et Vie, dont le dossier préparé par Jean-Baptiste Veyrieras est consacré aux plantes. Reprenons le fil.
Le biologiste George Bassel et son équipe de l’Université de Birmingham sont les premiers à observer à l’échelle moléculaire une plante qui pèse le pour et le contre avant de s’élancer vers la lumière.
« C’est un très beau travail ! Le premier à montrer aussi finement le mécanisme de prise de décision chez une plante », applaudit Stefano Mancuso, pionnier italien de la cognition végétale.
« Vaste sujet d’études des neurosciences, la prise de décisions est un processus fondamental que chacun d’entre nous réalise des milliers de fois chaque jour.. « Choisir, c’est l’éclair de l’intelligence », écrivait Balzac. Le mot intelligence est d’ailleurs lui-même composé de mots latins inter et legere, soit mot à mot « choisir entre ». Et la plante, elle aussi, prend moult décisions. Parce qu’elle le doit ! En interaction permanente avec son environnement et sans possibilité de plier bagage à la moindre alerte, il lui faut, pour survivre, tirer à chaque instant et en chaque saison le meilleur parti de son milieu.
« Même si un mauvais choix n’a pas d’effet négatif immédiat, son coût énergétique réduit à terme la performance de la plante », souligne le botaniste britannique Anthony Trewavas. Parce que ce mécanisme se déroule dans le temps végétal, qui est très éloigné du nôtre, « on a longtemps sous-estimé la capacité des plantes à faire sens des informations extérieures et à prendre la décision la moins préjudiciable pour l’avenir. »
« D’autant qu’un autre problème se pose : quelle partie de la plante faut-il étudier pour observer ce mécanisme ? Ce problème, George Bassel l’a élégamment contourné en étudiant la prise de décision chez… une graine. Parce que toutes les cellules de la plante sont alors rassemblées en une seule et même entité. Et parce que la graine n’a qu’une seule grande décision à prendre : germer ou ne pas germer. […]
« Ne pas se précipiter mais, au contraire, décider de ce qu’il convient ou non de faire : voilà ce dont les plantes sont capables. George Bassel l’a constaté chez l’arabette des dames — une des grandes stars des laboratoires de botanique. Celle-ci n’est pas née de la dernière gelée : avant de mettre le nez dehors, elle prend soin de traiter l’information en tournant sa petite racine plusieurs fois dans sa graine. « L’extrémité de la radicule abrite un véritable centre de décision qui pèse en continu le pour ou le contre. Et qui partage d’ailleurs la même organisation spatiale que certains systèmes cognitifs très simples du cerveau humain », explique le chercheur. […]
« Il y a un parallèle fascinant entre les cellules des plantes et une grille de calcul informatique : il semblerait que chaque cellule prenne sa part de traitement afin que l’ensemble du système puisse prendre la meilleure décision ». Venu du monde de l’informatique, George Bassel espère bien s’appuyer sur cette analogie pour révéler à terme d’autres mécanismes de traitement de l’information chez les plantes. En attendant, si une plante fait quelque chose, c’est qu’elle l’a décidé. […]
Ce billet-ci, de même que celui d’hier sur le sujet, ne sont qu’une petite partie du dossier préparé par le journaliste scientifique Jean-Baptiste Veyrieras. L’entièreté se trouve dans :
«Elles pensent ! Révélations sur l’intelligence des plantes », Science et Vie (Montrouge), décembre 2017, no 1203.