Une histoire étonnante
D’abord le jour même de Noël quand même ! La nouvelle provenant de New York est datée du 26 décembre.
Hier, est descendu du paquebot « Barbarossa », venant de Naples, un jeune Italien du nom de Ugo Ferretti, qu’on dit être fils du prince Torlonia, d’Italie.
En même temps que lui, est aussi débarquée Mlle Juliette Duchesnay, de Québec, revenant d’un voyage d’Europe, en compagnie de deux amies, Mlles Eugénie et Caroline Pouliot, également de Québec.
Jusqu’ici, cette coïncidence de l’arrivée du jeune noble italien n’a rien de bien extraordinaire. Mais ce qui est intéressant, c’est que Signor Ferretti s’en vient à Québec demander à M. Duchesnay la main de sa fille qui est d’une beauté remarquable. Il s’agit donc d’un roman.
Il y a quelques mois, Mlle Duchesnay quittait sa ville natale dans le but de visiter les principaux pays. Il y a deux mois, Mlle Duchesnay et Mlles Pouliot, en route pour revenir au Canada, traversaient l’Italie, et arrêtèrent à Rome. C’est dans la Ville Éternelle qu’eut lieu la rencontre de Mlle Duchesnay et du jeune noble italien, et dans une circonstance plutôt amusante.
Mlle Duchesnay était entrée dans un magasin pour faire une emplette ; comme elle ne put réussir à se faire comprendre du marchand, un jeune homme qui se trouvait aussi dans le magasin à quelques pas de la gentille acheteuse vit son embarras.
Comme il était Italien et comprenait très bien le français, il s’offrit de l’interpréter. Ce jeune homme n’était autre que Signor Ferretti.
Depuis cette rencontre fortuite, une amitié qui s’est faite de plus en plus étroite a lié M. Ferretti et Mlle Duchesnay ; c’est au point qu’au jour du départ de cette dernière pour le pays natal, le prince demanda à ses compagnes la faveur de l’accompagner jusqu’à Québec pour aller demander à M. Duchesnay la main de sa fille.
Mlles Pouliot se rendirent à la demande du Signor Ferretti qui, tous ses préparatifs terminés, s’est embarqué à Naples sur le « Barbarossa » en route pour le Canada.
La Patrie (Montréal), 26 décembre 1908.
Et tenez bon, l’histoire ne se termine pas ici.
Selon le site Mes Aïeux, une dame du nom de Juliette Duchesnay aurait épousé à Québec en 1909 un certain H.-Hercule Torlonia.
Internet nous dit aussi, sur le site Généalogie du Québec et d’Amérique française, que Juliette Duchesnay, épouse d’Ugo Ferretti, aurait accouché le 7 juillet 1912 d’une fille, Lilia Ferretti, qui serait décédée le 13 avril 1936 à l’âge de 24 ans. Deux ans auparavant, le 22 mai, Lilia avait épousé à l’église Saint-Cœur-de-Marie, rue Grande Allée, à Québec, un certain Jean Chaloult, avocat, âgé de 32 ans.
Ci-bas, la photographie de Juliette et de sa fille vient de l’ouvrage de mon ami Jean Cimon (1923-2016), sociologue-urbaniste (qui fut de nombreux combats dans la région de Québec), Ulric-J. Tessier, Le bourgeoisie francophone au XIXe siècle, Québec, Éditions du Septentrion, 1997.
Je salue mes amis Jean, maintenant parti, et son fils Bernard, maître en musique, chanteur, compositeur, pianiste, accordéoniste.
Jean fut de celles et ceux qui y allèrent de leur poche pour élever un monument funéraire au grand écrivain Arthur Buies, au cimetière Belmont, à Québec, une création de Loretta. Les deux photographies de ce lieu sont de Jean-Marc Gagnon.
Il s’agit de ma famille. Ma mère est Lilia Chaloult Ferretti. Fille de Lilia Ferretti. Cet article la touche beaucoup.
Merci
Paule Marceau, Fille de Lilia Ferretti.
Quelle belle nouvelle, Madame Marceau ! Merci infiniment. Et je Vous prie de saluer votre mère pour moi. Malheureusement, comme mon propre père, elle n’a pu connaître sa mère.
Saluez-la, je Vous en prie. Et merci encore !
Lilia Ferretti n’as pas été le seul enfant du couple. Il y a aussi eu une fille cadette, Paola (Paulette), née le 20 septembre 1913 et décédée à Québec le 15 octobre 1998. Celle-ci apparait sur la photo tirée du livre de Jean Cimon prise au manoir de Rimouski. Le 28 avril 1938, elle a épousé Jean Thomas Gendron avec lequel elle a eu deux fils et trois filles. Contacté par moi, une de ses filles m’a raconté que sa grand-mère était revenue au Canada avec ses filles alors qu’elles avaient respectivement dix et huit ans au début des années vingt.
Ugo Ferretti était le fils d’Augusto Torlonia, 3e prince de Civitella-Cesi, et de Joséphine Mastai-Ferretti. Né hors mariage, il a été reconnu par son père et a été légitimé par le Saint-Siège. Il n’a toutefois pas été admis dans l’ordre successoral.
Merci beaucoup, cher Paul, de ces nouveaux détails de cette histoire incroyable.